Collectionner est un passe-temps qu’à peu près tout le monde a pratiqué au moins une fois dans sa vie. Les enfants comme les adultes accumulent timbres, cartes de hockey, pièces de monnaie, livres, œuvres d’art, etc., au gré de leur fantaisie. Ce loisir prend chez certains une dimension quasi professionnelle et ces collectionneurs n’amassent pas seulement des objets à leur goût mais aussi une somme de connaissances que peu de gens possèdent.
C’est le cas, à Welland, de Daniel Roy, pour qui les 78 tours sont une véritable passion, et plus particulièrement les disques de musique folklorique canadienne-française. Les 78 tours sont ces disques datant de la première moitié du XXe siècle qui ne comprenaient généralement qu’une chanson par face. Ils sont à distinguer des disques microsillons, devenus la norme à partir des années 1950, qui eux comprenaient plusieurs morceaux par face et dont la durée d’écoute est beaucoup plus longue.
L’envie de collectionner les disques est facilement compréhensible. Mais pourquoi les 78 tours? Et pourquoi précisément les chansons traditionnelles canadiennes-françaises? « J’ai été exposé à ça, raconte Daniel Roy. Ma mère ne jetait rien et on avait beaucoup d’antiquités. » Enfant, ses parents lui ont donné un tourne-disque de 1944 et une cinquantaine de disques de la même époque et il s’était mis à les faire jouer à tous les jours. La famille Soucy, La Bolduc, Ovila Légaré, Paul Brunelle, Roland Lebrun, Oscar Thiffault, etc. : c’est en écoutant ces artistes que Daniel Roy s’est initié au folklore et à la musique populaire québécoise d’antan.
L’histoire et la culture du Canada français ont rapidement revêtu un grand intérêt aux yeux de M. Roy. Ses parents l’amenaient deux ou trois fois par année dans leur Beauce natale pour visiter la parenté. C’était l’occasion pour lui de jeter un coup d’œil aux maisons patrimoniales et, à chaque « party » de famille, de se retremper dans la même atmosphère qu’avaient connue ses ancêtres.
C’est dans la vingtaine qu’il a commencé à collectionner les 78 tours avec plus d’assiduité. Comme il est plutôt difficile de dénicher des disques francophones en Ontario, c’est souvent vers le Québec que Daniel Roy a dû se tourner. C’est dans cette province qu’il a eu l’occasion de rencontrer d’autres collectionneurs et d’échanger avec eux des raretés. Quelques-uns de ces passionnés possèdent des dizaines de milliers de disques! M. Roy a beaucoup appris auprès d’eux.
Parmi tous ceux qui se sont illustrés sur la scène musicale pendant l’Entre-deux-guerres, il est un nom qui encore aujourd’hui demeure familier : La Bolduc. Comme beaucoup d’autres passionnés de 78 tours, Daniel Roy est un mordu de La Bolduc. Dénicher les disques originaux de ses chansons les plus connues est relativement facile mais certains titres sont presque introuvables : « Il y en avait un qui me manquait. Ça m’a pris 20 ans à l’avoir! J’en connais seulement trois qui ont toute la collection ».
Il faut dire que les collectionneurs de 78 tours qui s’investissent à fond dans leur passe-temps ne se contentent pas seulement de faire le décompte des chansons d’un artiste. Le moindre détail relatif à l’industrie de la musique qui fait en sorte qu’un disque se distingue d’un autre est important : erreur d’étiquetage, nouveau numéro de série, réenregistrement d’une chanson pour laquelle quelques mots ont été changés, etc. C’est à son attention à ce genre de choses que l’on reconnaît le vrai collectionneur professionnel!
Daniel Roy est aujourd’hui l’heureux propriétaire de plus de 900 disques. Ce n’est cependant pas le nombre qui compte mais la qualité et la rareté, de sorte que la compétition entre collectionneurs est parfois féroce pour mettre la main sur les 78 tours les plus en demande! M. Roy possède d’ailleurs dans sa collection quelques curiosités : son plus vieux disque date de 1905 mais il est en anglais. Son disque francophone le plus ancien date de 1915 et il s’agit d’un artéfact précieux : le premier enregistrement du Ô Canada, interprété par le baryton Joseph Saucier. Il possède également six disques très rares de 1942 du radioroman Un homme et son péché.
En bon collectionneur, M. Roy est intéressé à entrer en contact avec toute personne qui possède des 78 tours et serait disposée à les vendre. Les chanteurs qui l’intéressent le plus sont ceux cités dans cet article, les artistes ayant enregistré sous les étiquettes Starr, Apex, Columbia et RCA Victor et, de manière générale, la musique folklorique francophone des années 1920 et 1930. Pour le contacter, il suffit de lui écrire à l’adresse courriel dan78roy@gmail.com.
PHOTO : Daniel Roy pose aux côtés d’un de ses gramophones.