Depuis la mi-mars, à peu près tous les aspects du quotidien ont été chamboulés par la COVID-19. Des francophones résidant sur le territoire du Régional ont accepté de répondre aux questions du journal quant aux conséquences de la pandémie sur leur vie.

Marilyne Batelot, Hamilton
En temps normal, la conciliation travail-famille est un défi que plusieurs doivent relever semaine après semaine. Avec la fermeture des écoles et des garderies, la pression s’est accentuée sur les parents qui exercent une activité professionnelle.
« Tout a changé, explique Marilyne Batelot. On a trois enfants : deux scolarisés et une à la garderie. Du coup, l’impact, on le sent bien. Mon mari travaille à la maison et moi je fais partie des travailleurs essentiels, donc je dois sortir pour travailler. » Le couple a dû adapter son horaire pour s’occuper en alternance des enfants et veiller, en particulier, à leur progrès scolaire.
Les restrictions qui accompagnent la pandémie ont privé petits et grands des sorties et activités qui devaient émailler le printemps. « On avait prévu, au début du mois de mai, un voyage d’anniversaire pour les 40 ans de mon mari. On a dû annuler », se désole Mme Batelot.
Très engagée dans l’organisation d’activités par le biais du groupe Facebook Les francophones – Hamilton, c’est aussi à regret qu’elle s’est résolue à l’annulation de la rencontre qui devait avoir lieu en mars et qui promettait d’être des plus intéressantes.
Malgré tout, la vie suit son cours et, plus que jamais, avoir un emploi et être en santé sont considérés comme ce qu’il y a de plus important.
Une question est cependant sur toutes les lèvres : « Comme ma fille me demandait : ʽʽCombien de temps ça va durer?ʼʼ Ça prend de l’énergie. Plus ça va durer, moins ça va nous faire rigoler de rester à la maison ».

Jocelyne Blais-Breton, Welland
L’adaptation à la nouvelle réalité imposée par le coronavirus n’a pas été tellement difficile pour Jocelyne Blais-Breton : en effet, la retraite s’accompagne d’un mode de vie plus sédentaire. Elle et son mari ont néanmoins dû changer certains aspects de leur quotidien : « Le plus difficile, pour nous, c’est que notre fille est à Ottawa. On a maintenant deux petits-enfants et on allait à Ottawa presqu’à tous les mois alors qu’à présent, on ne peut pas voyager. Par contre, on fait du FaceTime presqu’à tous les jours! »
L’application vidéotéléphonique et les autres technologies apparentées ont gagné de plus en plus d’adeptes au cours des dernières semaines. Certains contacts de personne à personne demeurent cependant irremplaçables, non pas seulement pour des raisons sentimentales mais aussi pratiques : « Ma mère a 87 ans et mon père 90, relate Mme Blais-Breton. Heureusement, ils sont encore à la maison. Je m’occupe beaucoup de cuisiner pour eux. De plus en plus, on les a entourés pour qu’ils n’aient pas à sortir. Ça m’inquiète mais ça me tient occupée. »
Malgré l’anxiété, il faut néanmoins profiter de ce qui est encore autorisé. Prendre des marches en respectant les consignes de distanciation sociale est un de ces plaisirs que se permet Jocelyne Blais-Breton. « Avec le printemps qui arrive, ça apporte un peu d’énergie et d’espoir », commente-t-elle.

René LeBel, Hamilton
« Je suis retraité, donc mon revenu est assuré, mais je ne voudrais pas que personne près de moi n’attrape le virus. Je trouve un peu stressant d’entendre toujours les mêmes nouvelles à la télé », confie René LeBel.
Regarder des comédies constitue pour lui un remède aussi bien à l’ennui qu’au malaise provoqué par la navrante étrangeté de ce qui se passe depuis quelques semaines. Comme bon nombre de ses concitoyens, M. LeBel meuble ses temps libres, faute de mieux, par de menues activités à domicile, qui vont de la lecture aux tâches ménagères en passant par divers travaux. « Je ne sors plus sauf pour aller marcher », remarque-t-il.
Les balades sont un des rares passe-temps permis à l’extérieur et elle ne remplace que difficilement les projets printaniers de toutes sortes que chacun envisageait jusque-là avec fébrilité, René LeBel y compris. Il a dû changer ses plans quant à une activité-bénéfice au profit du Fonds mondial pour la nature qui devait se tenir à la Tour CN et le retour du beau temps n’aura pas la connotation prévue : « À long terme, je voulais commencer ma saison de camping assez tôt. C’est maintenant repoussé ».
Malgré le fait qu’il y ait beaucoup moins de gens dehors, M. LeBel constate avec désarroi que les déchets semblent s’accumuler au sol dans les lieux publics. S’il ne s’agissait que de cela, il pourrait s’agir d’un moindre mal mais la réponse politique tardive et inadéquate à la pandémie a selon lui aggravé la crise de plusieurs façons, une situation qui l’agace profondément.

Linda Johnston, Port Colborne
Comme partout ailleurs, la pandémie a forcé de nombreux résidents de la région du Niagara à travailler de la maison. À ce chapitre, le quotidien de Linda Johnston n’a aucunement changé puisque c’est de son domicile qu’elle offre des services d’assistance administrative. Cependant, la nouvelle réalité socioéconomique se fait ressentir d’une autre façon : « Ma charge de travail a augmenté. J’ai plus de travail à faire parce que j’ai davantage de clients qui veulent passer au virtuel ».
À titre de travailleuse autonome, Mme Johnston a la chance de pouvoir organiser ses tâches comme bon lui semble mais elle doit aussi composer avec l’incertitude imposée par les circonstances. « J’ai beaucoup de clients qui, parce qu’il n’y a plus d’événement, n’ont plus autant de revenus, explique-t-elle. Donc, il va falloir que j’envoie mes factures au mois de septembre. »
Le succès de son entreprise dépend du succès des autres puisqu’elle fonctionne à contrat et se trouve donc à la merci des décisions d’autrui. Les milieux entrepreneurial et communautaire sont nerveux quant à l’avenir et chacun ressent l’hésitation des autres. « Il y a des inquiétudes parce que personne ne sait quand est-ce que ça va arrêter. »
Au-delà de la dimension économique de la crise, ce sont aussi les relations sociales qui se trouvent bouleversées. « Ça me manque de voir le monde face à face », confie Linda Johnston. Heureusement, il y a toujours moyen de se divertir du moment que l’on se montre créatif : c’est ainsi qu’à l’invitation de sa fille, Mme Johnston s’est mise à la peinture en s’inspirant de cours mis en ligne sur Youtube. « Pendant quelques heures, ça nous a fait oublier ce qui se passe à l’extérieur. »

Claire Sens, Hamilton
Bien qu’infirmière, Claire Sens n’est pas autorisée à pratiquer son métier – alors que le système de santé a grand besoin de renforts – parce qu’elle a reçu son diplôme à l’étranger. Qui plus est, à l’heure qu’il est, elle aurait dû procéder à l’ouverture de son cabinet en aromathérapie et en coaching en santé mentale mais la pandémie en a décidé autrement.
Heureusement, son conjoint travaille toujours, mais pour le reste, tous deux doivent composer avec une situation qui ne laisse guère de place aux divertissements et à la spontanéité. « C’est beaucoup de télé. Après, avec mon compagnon, on joue à des jeux. Pour les courses, on s’organise, on essaie d’anticiper », relate Mme Sens.
Prendre de minutieuses précautions sanitaires fait partie du quotidien du couple en ce qui a trait aux achats, mais ces petits désagréments ne sont rien en comparaison des bouleversements sociaux et des pires éventualités. « C’est inquiétant dans la mesure où le gouvernement met des restrictions mais des gens ne les respectent pas », fait remarquer Claire Sens qui craint un développement à grande échelle de la contagion comme ce qui s’est passé en Europe.
Même si le Canada évite le pire quant à la COVID-19, les répercussions économiques de la pandémie se feront néanmoins ressentir. « La catastrophe qui se passe aux États-Unis, on ne pourra pas y échapper », constate-elle. Les fermetures d’entreprises et la hausse du chômage entraîneront des baisses de revenus pour tous, y compris le gouvernement qui essaie tant bien que mal de soutenir tout le monde.