L’automne dernier, lorsque le mouvement de contestation s’est mis en branle pour protester contre les compressions de Queen’s Park dans le domaine de la francophonie, peu de gens s’attendaient à ce que le gouvernement recule aussi facilement. Pourtant, les Affaires francophones sont redevenues un ministère à part entière, l’Ombudsman a pris sous son aile le mandat et le personnel du Commissariat aux services en français et, à l’heure actuelle, l’université est à son tour l’objet de l’attention des progressistes-conservateurs.

En effet, comme les Franco-Ontariens l’ont rapidement appris de diverses sources, Caroline Mulroney a rendu public, le 5 septembre dernier, l’engagement de son gouvernement à soutenir l’Université de l’Ontario français (UOF), d’abord à hauteur de 63 millions $. La ministre des Affaires francophones et son collègue au ministère de la Formation et des Collèges et Universités, Ross Romano, avaient fait parvenir une lettre, la journée même, à Mélanie Joly, ministre fédérale des Langues officielles qui avait piloté le soutien d’Ottawa à l’UOF. Cette lettre invite le gouvernement de Justin Trudeau à collaborer dans ce dossier avec celui de Doug Ford selon des modalités fixées par Queen’s Park.

En gros, l’investissement commun dans l’UOF totaliserait 126 millions $ sur huit ans, le fédéral étant responsable des quatre premières années, soit 63 millions $, et le provincial des quatre suivantes pour la même somme. Ottawa avait précédemment fait d’autres offres du même genre à son vis-à-vis provincial, mais en se gardant une marge de manœuvre en demandant à l’Ontario de le rembourser si Queen’s Park se désisterait un jour du projet. Cette garantie disparaît de la proposition émanant maintenant du provincial et aucune mention n’est faite des 1,9 million $ déjà versés par Ottawa depuis janvier pour permettre à l’UOF de poursuivre ses activités.

En date d’aujourd’hui, le gouvernement fédéral n’avait toujours pas donné son accord à cette proposition, le bureau de la ministre Joly se contentant d’indiquer que l’offre était à l’étude.

Cette volte-face du gouvernement provincial n’en a pas moins suscité, au sein de la francophonie ontarienne, une réaction qui, tout en demeurant prudente, est des plus optimistes. Après tout, que signifierait pareil engagement des progressistes-conservateurs si ce n’est de faire la paix sociale après des mois de mécontentement populaire? Il n’est pas anodin non plus que cette offre ait été faite alors que les libéraux fédéraux sont en difficulté dans les sondages et qu’une campagne électorale soit sur le point d’être déclenchée : en agissant de la sorte, Doug Ford met Justin Trudeau au pied du mur et enlève un poids des épaules d’Andrew Scheer, leader des conservateurs fédéraux, sur qui son impopularité pourrait rejaillir. Qui plus est, forcer Ottawa à financer seul l’UOF pendant quatre ans soulagerait temporairement le gouvernement provincial d’une dépense de plus alors que l’équilibre budgétaire est une des priorités des progressistes-conservateurs.

Dans une missive envoyée aux ministres Romano, Mulroney et Joly, le président de l’Assemblée de la francophonie de l’Ontario, Carol Jolin, se réjouit de ce développement mais rappelle aussi que le temps presse : « Je demeure très inquiet de constater que la signature d’une entente de contribution financière entre les gouvernements du Canada et de l’Ontario tarde à se matérialiser. Il serait catastrophique et impardonnable que tous vos efforts, si près du but, tombent à l’eau! »

À moins d’un pareil dénouement, les Franco-Ontariens pourront crier victoire. Que restera-t-il alors du mouvement de résistance? Pas grand-chose si l’on considère qu’il ne sera guère plus nécessaire après avoir vaincu sur presque tous les fronts. Après les manifestations du 1er décembre 2018, peut-être aurons-nous droit, cette année à pareille date, à des célébrations?