La caféine ne permet pas de fonctionner à plein rendement au lendemain d’une mauvaise nuit de sommeil, prévient une nouvelle étude américaine qui risque de déboulonner quelques mythes.

Pire encore, la caféine pourrait ensuite interférer avec la qualité du sommeil et enfermer le consommateur dans un cercle vicieux, ajoute une experte québécoise.

Des chercheurs de l’université Michigan State expliquent dans un premier temps, dans le Journal of Experimental Psychology: Learning, Memory, & Cognition, avoir demandé à leurs 275 participants de compléter une tâche qui nécessitait quand même peu de concentration, puis une tâche plus complexe composée de plusieurs étapes qui ne devaient pas être omises ou interchangées.

Un manque de sommeil a interféré avec la performance des sujets dans les deux cas. Ensuite, une dose de caféine a aidé la plupart des sujets à accomplir efficacement la première tâche, mais pas la deuxième.

« Ça a des implications dans la vraie vie, a commenté la directrice scientifique du Réseau canadien sur le sommeil et les rythmes biologiques, la professeure Julie Carrier de l’Université de Montréal. Ce n’est pas parce qu’on se sent un peu mieux que nécessairement, notre niveau de performance suite à une privation de sommeil, quand on a pris de la caféine, revient à un niveau normal. »

En d’autres mots, la caféine peut aider à rester réveillé et à se concentrer, mais elle ne fait pas grand-chose pour contrer les erreurs de procédures qui peuvent entraîner des erreurs médicales ou des accidents de la route.

« Ça ne va pas nécessairement augmenter notre performance suite à une privation de sommeil au même niveau que si on avait dormi, donc ça ne remplace pas le sommeil », a dit Mme Carrier.

 

Molécule mal comprise

Malgré sa grande popularité, la caféine reste mal comprise de la population en général, croit Mme Carrier.

« Tout le monde utilise de la caféine, a-t-elle dit. C’est vrai qu’elle a des effets positifs, mais ce qu’on oublie, c’est qu’elle a des effets négatifs, et elle a des effets négatifs sur le sommeil lui-même. »

Si on sait que la caféine peut retarder le moment où on s’endormira ou encore provoquer des périodes d’éveil pendant la nuit, on réalise moins qu’elle pourra aussi interférer avec la qualité même du sommeil.

Ce collègue qui se targue de pouvoir caler un expresso avant d’aller au lit et d’ensuite très bien dormir ne saisit probablement pas que la caféine le prive selon toute vraisemblance du sommeil dont il a le plus besoin.

« Ce que les gens savent moins, c’est que la caféine diminue également le sommeil lent profond, la période de sommeil où on dort le plus profondément, a expliqué Mme Carrier. Même les gens qui disent que la caféine n’affecte pas leur sommeil (…), parce que ça ne leur cause pas nécessairement d’éveils, ou ça ne les empêche pas de s’endormir rapidement, ils ont quand même un allègement de leur sommeil, et ça, ça crée un effet en soi. »

Et c’est là que le cercle vicieux peut s’enclencher : un sommeil moins récupérateur engendrera un besoin de caféine le lendemain, puis la caféine aura comme effet de miner la qualité du sommeil.

Avant ou sans caféine, poursuit Mme Carrier, les gens auront tendance à sous-estimer les effets de la privation de sommeil sur leur performance. Ceux qui auront pris de la caféine pourront se sentir mieux et donc se croire encore moins affectés par le manque de sommeil qu’ils ne le sont en réalité.

« On pense encore qu’avec un peu de volonté on peut pallier les impacts d’une privation aiguë ou chronique de sommeil, et ça c’est la tristesse de ma vie : la privation chronique ou aiguë de sommeil, oui ça a des impacts sur la performance cognitive, oui sur les risques d’accident, oui sur l’absentéisme ou le présentéisme au travail, mais aussi sur la santé physique, a dit Mme Carrier.

Les individus qui ont un cycle éveil-sommeil adéquat ne devraient pas avoir besoin de caféine pour fonctionner, poursuit-elle.

« Si on a besoin de caféine pendant la journée pour se sentir plus vigilant, ça met un point d’interrogation sur la quantité ou la qualité de sommeil qu’on a, prévient Mme Carrier en conclusion.

« Notre système n’est pas fait pour avoir besoin de café pour se sentir pleinement en possession de son niveau de vigilance. »

 

SOURCE – Jean-Benoit Legault, La Presse canadienne