Ils parlent français en famille ou dans leurs milieux professionnels. Le français est leur langue maternelle ou celle de leur éducation scolaire. Ils ont en commun non seulement la langue mais aussi la seconde patrie qu’est le Canada et/ou sa province de l’Ontario. Et en Ontario, ils ont choisi la région du Niagara. Pour plusieurs raisons, ils ont fait le choix de s’installer dans une province, de notoriété publique, anglophone.
Si certains d’entre eux sont nés au Canada alors que leurs parents, grands-parents ou ancêtres viennent des lointains rivages d’autres continents; d’autres sont la première génération de leurs familles à choisir de vivre au Canada pour de multiples raisons également. Ils sont pareils et différents à la fois car ils représentent une mosaïque de cultures venues d’Amérique du Nord, d’Europe, d’Asie, d’Afrique, des Caraïbes et parfois même d’Amérique Latine.
Ces hommes et ses femmes, qui sont citoyens canadiens ou résidents, sont des immigrants francophones célébrés en Ontario du 1er au 7 novembre derniers. Fiers de leurs racines francophones, quelques-uns d’entre eux ont accepté de jeter un regard, parfois critique, sur leurs parcours d’immigrants en Ontario.
Normand Savoie
Né au Québec d’un père Acadien et d’une mère Québécoise, se réclame des ancêtres venus de France il y a plus ou moins quatre siècles. Après des études de droit à l’Université de Sherbrooke (Québec), le jeune Normand découvre l’Ontario par la capitale fédérale où il fait des études de sciences sociales à l’Université d’Ottawa. C’est finalement à l’âge de 25 ans qu’il décide seul de poser ses valises en Ontario et depuis lors, il n’a plus quitté la province et c’est avec fierté qu’il se déclare Franco-Ontarien.
Directeur du Centre d’éducation pour adultes francophone à Welland dénommé ABC Communautaire, Normand Savoie reconnaît que l’intégration dans la communauté ontarienne n’a pas été qu’une partie de plaisir même s’il admet que « le choc culturel n’a pas été aussi grand que chez d’autres immigrants ».
Ses plus gros défis étaient la langue anglaise et la culture ontarienne. « Il me fallait un ajustement qui s’est fait graduellement… Il faut se donner le temps d’apprivoiser la nouvelle culture et surtout savoir la respecter », a indiqué M. Savoie qui se dit fier d’avoir su trouver, au fil des années, un équilibre entre sa culture québécoise et la nouvelle culture ontarienne au point où il est « comme un poisson dans l’eau aussi bien au Québec qu’en Ontario ».
Aux francophones qui sont tentés par la route de l’Ontario, M. Savoie avise que « l’intégration est un processus. Il est important de garder ses valeurs, mais avec le temps, il faut savoir accepter de perdre quelque chose de soi et adopter quelque chose des autres ».
Nafée Faïgou
D’origine Tchadienne, en Afrique centrale, Nafée Faïgou donne raison à Normand Savoie lorsqu’elle voit le Canada, sa nouvelle patrie où elle vit depuis 1999, comme « un pays du rendez-vous du donner et du recevoir ». En effet, Mme Faïgou, qui travaille pour le gouvernement de l’Ontario, considère que « les immigrants viennent dans la province avec une richesse culturelle, intellectuelle et même morale ». Elle, qui n’aime pas beaucoup le terme « intégration », ajoute que « les immigrants ne viennent pas les mains vides attendant juste de recevoir ».
Elle insiste sur la nécessité de la compréhension de la culture locale qui passe aussi par « les conventions sociales non-dites ». Parlant de sa propre expérience, Nafée constate qu’en Ontario il y a une ouverture d’esprit et qu’elle avait été bien accueillie. Et tout de suite, elle avait eu l’impression que tout était possible à condition « d’avoir la volonté, la discipline et le désir de travailler ». Elle considère aussi que l’école est un facteur de succès puisqu’elle permet, entre autres, d’apprendre la langue et de s’imprégner de la culture locale par de nou de connaître le mal du velles connexions. « Toutefois, pour être mieux accepté, il faut soi-même savoir accepter les autres », a-t-elle conclu.
Hanane Bouqentar
Une autre immigrée francophone qui considère l’école comme un facteur d’intégration, c’est Hanane Bouqentar qui est arrivée en Ontario en 2005 venant de son pays natal, le Maroc, en Afrique du Nord. Cette diplômée de l’Institute for Leadership and Communication Studies de Rabat a fait ses études supérieures en français et en anglais avant de venir directement en Ontario où elle avait déjà un membre de la famille.
Préparée à une carrière internationale, Mme Bouqentar a trouvé un travail un mois après son arrivée au Canada. À ce jour, elle travaille comme conseillère à l’emploi au Centre d’emploi et de ressources francophones du Niagara situé à Welland. Si son bilinguisme a été un atout à son arrivée en Ontario, il ne l’a pas empêchée de connaître le mal du pays et d’expérimenter le choc culturel qui, pour elle, est inévitable.
La nouvelle venue a surmonté ces difficultés en évitant de s’enfermer dans une sorte de ghetto et en se faisant des amis dans les milieux canadiens. Hanane Bouqentar prône une intégration en douceur qui passe, pour les francophones, par l’apprentissage de l’anglais, la conciliation de sa propre culture avec celle du lieu d’accueil.
« Il faut se donner la peine de connaître et comprendre l’autre Les Canadiens sont très polis. Il faut savoir aller vers eux », a-t-elle fait valoir.
Balhous Wassim
Un autre pays qui fait la richesse de l’immigration francophone en Ontario est le Liban, un pays qui partage ses frontières avec la Syrie et Israël. Considéré comme la Suisse du Proche-Orient, le Liban a connu 15 années de guerres civiles (1975-1990) qui ont poussé beaucoup de ses enfants sur les routes de l’exil à travers le monde. Les statistiques indiquent qu’il y a, au Canada, près de 150 000 Canadiens d’origine libanaise.
Dans la région du Niagara, parmi les Canadiens d’origine libanaise il y a Balhous Wassim. Actuellement médecin au Centre de santé communautaire Hamilton/Niagara, Dr Balhous est arrivé au Canada en 1998 par le Québec venant d’Italie où il avait fait ses études de médecine.
Après avoir passé les examens d’équivalence de son diplôme de médecine, il a fait sa résidence en médecine de famille à l’Université de Sherbrooke.
C’est en 2007 que Dr Balhous arrive dans la région du Niagara qu’il avait déjà appris à connaître et à aimer comme touriste. Cette fois, c’était pour prendre un poste de médecin au Centre de santé communautaire.
Son intégration n’a pas été un problème dans la mesure où il s’était déjà occidentalisé lors de ses études en Italie.
Et surtout, il avait une grande famille au Canada dont son épouse et sa fille aînée. Son plus gros défi a été professionnel : passer les examens pour les équivalences de son diplôme pour le Québec et pour le Canada, et faire sa résidence en médecine familiale. Son précieux conseil aux nouveaux venus : ne pas prêter l’oreille aux pessimistes.
Jacques Fagegaltier
La région du Niagara est aussi idéale pour une retraite paisible après avoir roulé sa bosse sur tous les continents pendant plus de 30 ans. C’est l’histoire de cet enfant né à Vichy dans l’Allier, dans la région d’Auvergne au centre de la France. À 71 ans bientôt, Jacques Fagegaltier a la double nationalité française et canadienne. Cet ancien ingénieur électronicien est retraité depuis trois ans du groupe industriel français Air Liquide, spécialisé dans la production des gaz pour l’industrie, la santé et l’environnement.
Avant de déposer ses valises au Canada, cet homme qui, à s’y méprendre, ressemble à l’acteur américain Charles Bronson, a travaillé dans 37 pays dont la Chine où lui et sa femme Nadine se sont mariés et où est née leur fille Cindy.
M. Fagegaltier découvre le Canada en 1976 et l’Ontario en 1979. Pour Nadine ce fut le coup de foudre qui scella son attachement au Canada dont elle ne voudra plus repartir et où elle s’est fait beaucoup d’amis.
Au point où, entre deux missions à l’étranger, son mari passait du bon temps au Canada auprès de sa femme qui travaille actuellement pour le gouvernement de l’Ontario et sa fille est enseignante.
Quand il jette un regard sur son parcours d’immigrant, ce Français d’origine ne tarit pas d’éloges à l’égard de l’accueil enthousiaste dont sa famille et lui-même ont fait l’objet en Ontario par rapport à « la froideur » québécoise lors de leur court séjour à Trois-Rivières.
Néanmoins, il comprend cette adversité larvée dans certains milieux québécois qui « considèrent le Français qui arrive comme celui qui vient prendre le travail de l’ouvrier québécois ».
Bien que n’ayant pas la même longue expérience canadienne que son épouse, Jacques Fagegaltier ne manque pas de suggestions pour les Européens qui seraient tentés par le Canada : ne pas gonfler faussement son CV, ne pas avoir peur de retourner à l’école même si on est bardé de diplômes, faire du volontariat pour aider les gens autour de soi et se faire connaître. Habitué à bouger dans tous les sens, la retraite n’a pas eu raison de l’ardeur de ce septuagénaire qui habite une sorte de château planté en pleine nature et derrière lequel il a fait une plantation de piments de toutes sortes venant essentiellement du nord-est de l’Inde.
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