Chaque année, au Parc d’innovation McMaster de Hamilton, les scientifiques se retrouvent pour vulgariser la nature et le fruit de leurs travaux. La Nuit des chercheurs – un concept importé de France, aujourd’hui répandu à l’échelle européenne – a été reconduite pour la quatrième fois, le samedi 21 octobre, autour du thème de la culture et des sols.

« Bien qu’entouré de science et d’innovation dans notre région, le public a rarement l’occasion de rencontrer les chercheurs à l’origine des technologies et des connaissances qui façonnent notre quotidien, indique Florence Roullet. Avec le soutien de l’ambassade de France, la directrice de la Nuit des chercheurs a donc rassemblé quelques-uns des meilleurs spécialistes canadiens et français de l’étude des sols, parmi lesquels le professeur Daniel Wipf.

« Le sol est souvent vu comme quelque chose d’inerte et pathogène, indique ce chercheur à l’Université de Bourgogne (Dijon). Or, la vie est au-dessous, pas au-dessus. Dans un gramme de sol, on trouve des millions de bactéries et des centaines de milliers de champignons. Et dans 200 grammes de sol, on peut compter jusqu’à 100 kilomètres de filaments de champignons. Plutôt que de les détruire, nous cherchons comment en tirer les bénéfices. »

Pour mieux saisir la portée d’une telle découverte, les curieux étaient invités à enfiler un casque de réalité virtuelle illustrant comment les plantes interagissent avec les champignons. Un échange de sucre, de nutriments et d’eau bien plus complexe qu’on ne peut l’imaginer. Car non seulement les plantes échangent des nutriments mais elles communiquent entre elles – sur plusieurs dizaines de kilomètres – pour se protéger des agents pathogènes dans un immense réseau. Une sorte d’internet botanique vieux de quatre millions d’années.

Ces connaissances ouvrent de nombreuses perspectives, notamment dans la manière de mieux utiliser le sol sans le détruire. « On travaille avec les industriels sur des souches isolées pour développer, reproduire et ensemencer ces bactéries dans un sol pollué et remédier aux émissions de gaz à effet de serre, décrypte le Pr Wipf. On travaille aussi avec les agriculteurs, notamment dans les vignobles en France, pour élaborer des méthodes de culture qui favorisent ces réseaux, tirent un maximum de bénéfices des champignons, tout en réduisant l’apport de phosphate et de pesticides. »

Autour du chercheur, de nombreux confrères canadiens ont apporté leur éclairage sur leurs découvertes dans des disciplines tout à fait complémentaires, à l’image de Daniel Ionico, du Département d’anthropologie de l’Université McMaster.

Microscope à l’appui, ce chercheur a expliqué comment l’étude des argiles et des minéraux pouvait être utilisée dans la poterie ancienne pour mieux comprendre la technologie des Premières Nations et aider à construire des récits historiques sur ce qui s’est passé durant les changements sociaux, économiques et politiques profonds que représente le contact avec les Européens.

Le musicien Dave Gould était aussi présent avec de surprenants instruments. « L’artiste est à sa manière un chercheur, en quête du questionnement. Il établit un protocole, expérimente, teste et construit son art à partir de ça », justifie Mme Roullet. La recherche et l’art ont en commun cette démarche intellectuelle, passion depuis l’enfance, que le public a pu découvrir durant toute une soirée.

 

Photo : scientifiques et visiteurs se sont rencontrés au Parc d’innovation McMaster.