Les aléas de l’histoire ont fait de l’anglais la langue des affaires. Cette constatation va au-delà du simple cliché lorsque l’on saisit les conséquences qu’elle sous-entend. Ainsi, entre entrepreneurs des quatre coins du monde, il est commun de dialoguer en anglais pour surmonter les barrières imposées par des langues nationales moins connues. Autre signe tangible : Internet et son anglicisation galopante.

Néanmoins, dans ce dernier cas, il est possible d’inverser la vapeur pour peu que chacun y mette du sien tout en réalisant qu’il peut être à son avantage de s’exprimer dans sa langue. Cela est d’autant plus vrai lorsque c’est le français qui est en cause, un idiome parlé sur tous les continents. C’est en réalisant tout le potentiel commercial offert par sa langue maternelle que Pierre Vaillant mis sur pied le Réseau d’affaires de la francophonie sur Internet (RAFI).

Récemment revampé, ce réseau ne date cependant pas d’hier. C’est au milieu des années 1990, alors qu’Internet n’en était qu’à ses premiers balbutiements, que M. Vaillant eut l’idée de mettre en contact les entrepreneurs de langue française du monde entier. Au Canada, où le bilinguisme est omniprésent, il est aisé de perdre de vue que les gens d’affaires francophones d’Europe, d’Afrique et d’ailleurs ne connaissent pas tous l’anglais et qu’il leur est parfois malaisé de s’insérer dans un marché mondial dominé par cette langue. Plutôt que de s’y conformer, pourquoi ne pas mettre à profit la cinquième langue la plus parlée sur la planète?

Ces réflexions poussèrent Pierre Vaillant, qui lui-même à l’époque ne connaissait pas très bien l’anglais, à mettre en ligne le site du RAFI. « J’ai déposé les droits d’auteur pour ce site en 1996, explique-t-il. L’idée de base, c’est d’y faire des échanges d’affaires en français. » Les gens peuvent s’y inscrire et entrer en contact avec des entrepreneurs francophones d’ici et de partout. Outre la langue d’usage, le site se distingue par les informations qu’on y trouve et qui autrement seraient difficiles et compliquées à rassembler. Que ce soit pour rejoindre une chambre de commerce africaine, pour contacter un conseiller au commerce d’une ambassade canadienne, pour savoir qui et où pourrait sous-traiter une activité quelconque, pour connaître ceux qui recherchent des investisseurs, etc., le site donne accès à une vaste banque de données. Une entreprise de Montréal s’occupe de la maintenance du site que l’on peut consulter à l’adresse rafi.net.

Pierre Vaillant connaît bien le côté international de l’entrepreneuriat. Originaire du sud de la France, il quitte son pays natal pour le Japon peu après ses études. Il y apprend l’art de cuisiner des sushis et acquiert une bonne connaissance des réalités culturelles de l’Extrême-Orient, deux choses qui lui serviront de temps à autre au cours de sa carrière. Après avoir vécu au Québec et en Nouvelle-Calédonie, il emménage à Saint-Martin, une île des Caraïbes que se partagent la France et les Pays-Bas. C’est là qu’il ouvre un restaurant, le Little Tokyo, dont le nom laisse aisément deviner la spécialité culinaire que M. Vaillant, en bon Français, complètera d’une carte des vins. Or, plusieurs de ses clients lui posaient une question à laquelle il n’avait que difficilement réponse : quel vin boire avec des sushis?

Quelques années plus tard, après avoir vécu à Malte et en Colombie-Britannique (où il se familiarisera avec la réalité des minorités francophones), Pierre Vaillant décidera de trouver la réponse à cette question. Résidant à Niagara Falls, au cœur d’une région vinicole, il lui était loisible de faire les démarches nécessaires au développement d’une boisson qui concilierait le meilleur de la France et du Japon. Les sushis, assemblages sophistiqués de riz et de poisson auxquels sont joints certains condiments, requéraient un produit qui leur serait propre. « Trouver un vin qui harmonise cet ensemble, c’est très délicat », explique M. Vaillant qui s’était adjoint un sommelier pour l’aider dans ses recherches. Produit au vignoble Konzelmann, à Niagara-on-the-Lake, le Sushi Wine est finalement né et M. Vaillant le commercialise aujourd’hui à l’échelle internationale.

Or, l’inspiration induite par l’Asie n’allait pas s’arrêter là et devait conduire à la création du Gold Snow Ice Wine. Ce produit se fait l’écho d’une tradition commune à plusieurs peuples d’Extrême-Orient qui considèrent l’ingestion d’une petite quantité d’or comme un symbole de prospérité. Pierre Vaillant a donc eu l’idée d’ajouter quelques pincées d’or alimentaire en poudre dans des bouteilles de vin de glace, le produit emblématique de l’industrie vinicole du Niagara. « J’ai fait les tests et ça marche très bien. Parce que le vin de glace est très sucré, l’or reste en suspension », explique l’homme d’affaires. Produisant un bel effet visuel, ce vin de luxe, parfait pour les célébrations, promet d’être un succès sur le marché asiatique.

Des idées commerciales, Pierre Vaillant en a encore plusieurs en tête. « Depuis des années, je vis grâce à l’innovation », dit-il. Difficile de ne pas le croire en considérant cette brève incursion dans sa carrière d’entrepreneur…

Photo : Pierre Vaillant