Étienne Lajoie
Les demandeurs d’asile arrivés du Québec occupent 951 chambres d’hôtel à Niagara Falls, et leur nombre pourrait doubler au cours des prochaines semaines. Le maire de la municipalité, Jim Diodati, affirme que sa ville aura besoin de ces chambres pour la haute saison touristique, qui commence à la fin mai, mais Ottawa n’a pas encore d’échéancier pour les libérer.
Niagara Falls est la ville ontarienne qui a reçu le plus de demandeurs d’asile envoyés depuis le Québec depuis le mois de juillet. Des 5557 migrants transférés en Ontario, 2841 y ont été relogés. D’après le maire Diodati — qui dit avoir reçu des informations différentes de la part du ministre fédéral de l’Immigration, Sean Fraser, que celles fournies par le ministère au Devoir — , 1400 chambres réparties dans 11 hôtels sont occupées par ces demandeurs d’asile.
L’industrie hôtelière de Niagara Falls a été sollicitée par Ottawa en raison, entre autres, du grand nombre de chambres disponibles à cette période de l’année. De nombreux hôtels sont en effet peu occupés lors de la saison morte, et plusieurs se sont réjouis de cette entente.
« Ceux chez qui le fédéral a loué des chambres sont contents, puisque ce sont des revenus garantis », note le maire Diodati, mais l’industrie veut que ces chambres soient disponibles pour les millions de touristes qui visitent la région chaque été. Leur occupation par les migrants relogés par Ottawa fait augmenter les prix des autres chambres et réduit par le fait même les dépenses des touristes dans les restaurants et attractions de la ville, souligne l’élu. Jim Diodati dit avoir abordé la question lors d’un appel vidéo avec le ministre Fraser samedi matin. « Il était à l’écoute de mes inquiétudes », note le maire au téléphone.
Ce dernier espère surtout qu’on ne trouve pas une simple solution de dernière minute. « Je ne veux pas qu’on soit réactif. Je lui ai dit : “On ne peut pas blesser la poule aux oeufs d’or. Quelque 40 000 résidents de la région comptent sur le tourisme pour nourrir leur famille.” »
Par courriel, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada dit travailler à obtenir des chambres hors du Québec et de l’Ontario, ainsi que signer des contrats pour des services de transport et de sécurité, notamment. Ce sont les fruits de cette recherche et le nombre de demandeurs d’asile qui « détermineront dans combien de temps nous pourrons libérer des chambres d’hôtel à Niagara Falls », signale-t-on.
Industrie cruciale
Les touristes dépensent chaque année près de deux milliards de dollars dans la région du Niagara. Et environ la moitié des revenus touristiques de Niagara Falls proviennent des visiteurs étrangers, un marché étranglé par la fermeture des frontières durant la pandémie. La directrice de la chambre de commerce locale, Dolores Fabiano, a d’ailleurs bon espoir que 2023 ramènera les chiffres prépandémiques. « On a besoin de ces chambres d’hôtel pour répondre — on l’espère — au retour des touristes cet été », dit-elle.
Ce qui surviendra d’ici la haute saison touristique est « la question à un million de dollars », illustre Mme Fabiano. Le scénario idéal, dit-elle, serait de voir les demandeurs d’asile quitter l’hôtel et s’intégrer à la communauté locale.
2841. C’est le nombre de demandeurs d’asile transférés en Ontario par le Québec qui ont été logés à Niagara Falls depuis juillet 2022. Selon les chiffres donnés par le ministre fédéral de l’Immigration et ceux de la municipalité, ils occupent entre 951 et 1400 chambres d’hôtel.
Mais il est déjà difficile de se trouver un toit dans la région, soulève le maire Diodati, qui n’indique d’ailleurs pas quel est le scénario envisagé pour libérer les chambres. « On est à un point critique en termes de logement et d’abordabilité. Donc, ce qui a un impact sur ça va aussi avoir un impact sur la communauté. »
« Le ministre Fraser m’a dit que nous allons atteindre le pic des transferts cette semaine et qu’ils vont par la suite diminuer », relate Jim Diodati. Ottawa se prépare à envoyer des demandeurs d’asile dans d’autres régions du pays, dont les provinces atlantiques, lui aurait dit Sean Fraser. Le ministre fédéral de l’Immigration veut avoir une approche « Équipe Canada », affirme le maire de Niagara Falls au téléphone.
Ce reportage bénéficie du soutien de l’Initiative de journalisme local, financée par le gouvernement du Canada.