Émilie Bergeron

 

Le recours à la Loi sur les mesures d’urgence par le gouvernement de Justin Trudeau pour mettre fin au blocage qui a paralysé le centre-ville d’Ottawa, à l’hiver 2022, était justifié dans la mesure où le « seuil très élevé à respecter » pour cette invocation était atteint, conclut le commissaire Paul Rouleau non sans émettre sa « réticence ».

Dans son rapport final rendu public, le vendredi 17 février, au terme d’une enquête se penchant sur le fondement de cette décision historique du fédéral, le juge franco-ontarien écrit que la situation « aurait pu être évitée » et que les événements ont été marqués par « une série d’échecs en matière de maintien de l’ordre ».

« Les événements de janvier et février 2022 peuvent être considérés comme un échec du fédéralisme. Face à des situations de menace et d’urgences, il faut que tous les ordres de gouvernement, et ceux qui les dirigent, dépassent les considérations politiques afin de collaborer pour le bien commun. Malheureusement, cela n’a pas toujours été le cas en janvier et février 2022 », peut-on lire dans le document de plus de 2000 pages.

Néanmoins, le commissaire Rouleau ne blâme pas pour autant Ottawa d’avoir invoqué la Loi sur les mesures d’urgence pour une première fois depuis son existence, qui remonte à 1988. Il arrive à la conclusion que le seuil était atteint pour conclure à un état d’urgence requérant l’emploi de pouvoirs d’exception.

« Le seuil d’invocation est le moment où l’ordre s’effondre et la liberté ne peut être assurée ou est gravement menacé (?) a été atteint en l’espèce », tranche-t-il en précisant ne pas avoir pris cette décision à la légère et qu’il ne considère pas le fondement derrière la décision du conseil des ministres comme étant « écrasant ».

« Il se peut fort bien qu’on ait pu éviter une violence grave même sans la déclaration d’une urgence, souligne-t-il. La possibilité qu’elle ait pu être évitée ne rend pas pour autant la décision erronée. La conviction du Cabinet reposait sur un fondement objectif, sur des renseignements convaincants et crédible. » Il résume en écrivant que la « certitude » n’était pas exigée. Trudeau a invoqué la loi de dernier recours pour mettre un terme au « convoi de la liberté » qui a paralysé le centre-ville d’Ottawa en février 2022. Neuf jours plus tard, les pouvoirs exceptionnels décrétés, ayant notamment permis de geler environ 280 comptes bancaires, ont été révoqués.

Le commissaire Rouleau, à travers 56 recommandations, invite notamment à un meilleur partage d’information sur les risques de sécurité entre les différents intervenants. Il recommande aussi que la Loi sur les mesures d’urgence ne renvoie plus à la définition de « menaces envers la sécurité du Canada » inclue dans la Loi sur le Service canadien de renseignement et sécurité (SCRS).

 

Source : La Presse canadienne

 

Photo : Le juge Paul Rouleau (archives Le Métropolitain)