Le commissaire aux services en français, Me François Boileau, a rendu public le mardi 30 mai son dixième rapport. Si le document annuel de 95 pages intitulé « Prendre notre place » rend compte des nombreuses avancées obtenues depuis dix ans, il pointe aussi toute une série de dysfonctionnements dans les domaines de la justice, de la santé, de l’enfance, de l’éducation ou encore de l’immigration :
déficit de personnel bilingue, manque de visibilité et de données sur les services existants, inégalité d’accès à l’enseignement secondaire, manque de transparence du système de désignation des organismes, absence de plan de recrutement des immigrants francophones…
« On sent une vraie sensibilisation au sein de gouvernement qui n’existait pas il y a quelques années en arrière. On a obtenu des résultats mais d’autres tardent à venir. C’est sur ces points précis qu’on veut que les choses avancent plus rapidement », indique Me Boileau qui a reçu plus de 300 plaintes en 2016-2017. Il émet donc dix recommandations au gouvernement pour améliorer l’accès aux services en français.

Modifier la Loi sur les services en français
Le commissaire revient d’abord à la charge sur l’urgence de modifier la Loi sur les services en français afin qu’elle prenne en compte la notion d’offre active. Il demande à la ministre déléguée aux Affaires francophones de donner suite à son rapport spécial de 2016 et de lancer une consultation de la population pour amorcer le chantier de refonte de la Loi. « Si elle accorde aux francophones le droit d‘utiliser le français lorsqu’ils transigent avec le gouvernement, la Loi ne fait aucunement mention de leur droit d’être informés de la possibilité d’obtenir ces services en français », déplore le commissaire, qui formule une autre recommandation à la ministre, concernant la désignation des organismes. Il préconise de rédiger et mettre en œuvre une directive qui appuiera le nouveau plan de désignation d’organisme élaboré par l’Office des affaires francophones (OAF), comprenant des critères simplifiés, une évaluation triennale obligatoire et indépendante, ainsi que des mécanismes d’imputabilité transparents.
Le commissaire recommande par ailleurs d’accélérer le développement la Lentille francophone, outil développé par l’OAF et lancé en 2016 qui a pour but d’aider les ministères à intégrer des services en français, dès le début de la planification des politiques et programmes.

Santé : savoir où aller pour obtenir des services
Dans le domaine de la santé, François Boileau recommande l’élaboration de stratégies novatrices visant à faire en sorte que les citoyens sachent où et comment obtenir des services de santé en français, notamment en collectant et mettant à jour les données publiées.
Il préconise de modifier le règlement 515/09, afin d’accorder aux entités de planification des services de santé en français un rôle accru, notamment à l’égard des plans de services de santé intégrés que doivent produire les Réseaux locaux d’intégration des services en santé (RLISS). Il réclame une directive claire engageant les RLISS à vérifier la prestation de services de santé par les fournisseurs et faire en sorte que les contrats de service et les ententes de responsabilisation comportent des obligations en matière de services en français.

Justice : généraliser le projet pilote d’Ottawa
Dans le secteur de la justice, Me Boileau demande au Procureur général de l’Ontario de rendre publique l’évaluation du Projet pilote pour un accès fluide à la justice en français à Ottawa, de faire les suivis nécessaires pour rendre permanentes les initiatives adoptées et d’exporter ce modèle dans d’autres régions de l’Ontario afin d’améliorer l’accès à la justice en français. « En prenant en charge le francophone dans sa langue dès son entrée dans le palais de justice, on a constaté un meilleur service et le nombre de plaintes a fortement diminué », dit-il.

Enfance : inquiétudes sur le projet de loi 89
Concernant l’enfance, le commissaire recommande des amendements législatifs pour garantir les droits des enfants, des adolescents et de leur famille de recevoir des services en français de la part de toutes les sociétés d’aide à l’enfance. « Le projet de loi 89 (qui prévoit de permettre la fusion de sociétés d’aide à l’enfance) est une occasion en or pour le gouvernement de faire preuve de leadership et de corriger ce que dénonce le commissariat depuis des années en matière de services à la petite enfance en français. »

Immigration : un groupe d’expert et une stratégie précise
En matière d’immigration, Me Boileau préconise la mise en place d’un comité consultatif sur l’immigration francophone qui aurait pour mandat de faciliter la mise en œuvre des recommandations d’un groupe composé d’experts et de hauts fonctionnaires chargés d’élaborer des stratégies globales, avec des objectifs et échéanciers sur la promotion, la sélection, l’établissement, l’intégration, la formation et les rétention. Une stratégie interministérielle et intergouvernementale assurerait la mise en œuvre systématique des recommandations du groupe d’experts.
« On attend maintenant une réaction rapide de la part du gouvernement et des différents ministères et un calendrier de mise en œuvre », a déclaré le commissaire aux services en français.