La pandémie de coronavirus a été « catastrophique » pour les enfants qui avaient déjà un problème de poids, prévient une experte qui craint que la société n’en paie le coût pendant de longues années.

Confinés à la maison pendant des semaines et des mois, ces jeunes ont non seulement été privés de leurs activités physiques habituelles, mais ils ont aussi vu leur temps passé devant un écran exploser.

« Ça a vraiment été catastrophique pour les jeunes avec des problèmes de surpoids ou d’obésité. On voit que l’activité physique devient presque nulle, le temps d’écran monte en flèche (…) et en étant à la maison les jeunes ont constamment accès au frigo, a résumé la pédiatre endocrinologue Mélanie Henderson, du CHU Sainte-Justine.

« La gestion des saines habitudes de vie alimentaires était encore plus difficile. Dans les faits, on a vu des prises pondérales très importantes chez des jeunes durant la période du confinement. »

Si l’augmentation du temps consacré à un écran est en partie attribuable à l’école à la maison, elle n’en est pas la seule responsable.

Ainsi, la fermeture d’installations sportives comme les piscines et les gymnases a privé les enfants de certaines occasions de bouger.

« On se retrouvait aussi avec des parents qui devaient travailler de la maison et qui ne pouvaient pas nécessairement préparer des activités pour leurs enfants dans le jour, comme ils l’auraient fait par exemple dans un contexte de vacances, a dit la docteure Henderson. Plusieurs jeunes se retrouvaient avec du temps libre passé derrière les écrans. »

Et c’est sans parler de l’impact économique de la pandémie, poursuit-elle : des parents qui ont vu leurs revenus reculer au moment où le coût de l’alimentation augmentait ont pu peiner à fournir des aliments de qualité à leur famille.

L’accès aux soins dont ont besoin les jeunes ayant un problème de poids a enfin été rendu plus difficile, quand des employés ont été redéployés à travers le réseau de santé pour combattre le coronavirus.

Tous les enfants touchés
Une étude récente démontrait que les vacances estivales engendrent souvent une prise de poids qui se maintiendra ensuite pendant toute l’année. Cela donne une idée des conséquences que peuvent avoir six mois passés à la maison.

Si le confinement a été problématique pour tous les enfants, ce sont surtout ceux qui avaient déjà un problème de poids qui auraient été les plus durement touchés.

« Ça décrit un peu que de se retrouver à l’extérieur d’une routine scolaire a un peu un impact délétère, a dit la docteure Henderson. En plus on enlève tous les accès aux activités physiques, et on ajoute un temps d’écran majoré et des conditions économiques difficiles. »

Elle cite en exemple un jeune de 13 ans qu’elle suit pour un problème d’obésité, dont la principale activité sportive était d’aller jouer au soccer avec des amis au parc et dont la famille n’a pas nécessairement les moyens de se procurer un tapis roulant ou un vélo stationnaire.

« Qu’est-ce que je lui offre maintenant? Est-ce que c’est ce garçon-là qui va aller jogger dehors? Est-ce qu’il va faire des vidéos de danse sur internet?, a-t-elle demandé. Peu probable. C’est limité en termes de ce que je peux lui offrir de faire à la maison et qui va l’intéresser. »

Pour certains patients, admet-elle, les dégâts sont faits et il sera difficile de revenir en arrière.

Ceux qui cheminaient dans la bonne direction et qui ont pris 15 kilos au cours des dernières semaines sont évidemment en proie au découragement, à la démotivation et à la perte d’estime de soi.

« Mes patients, et surtout ceux souffrant d’obésité et de surpoids, ont vraiment pris du recul (…) à cause de tout ce qui se passe pendant la pandémie, a dit la docteure Henderson. Ça ne veut pas dire qu’on doive baisser les bras. Ça veut dire qu’on doit à nouveau freiner cette tendance à la prise pondérale ou aux habitudes de vie moins saines. C’est vraiment là-dessus que je mise avec mes patients. »

On nage actuellement en plein inconnu et les décideurs font de leur mieux pour prendre les meilleures décisions pour sauver le plus de vies possible, reconnaît la docteure Henderson, mais attention aux « effets collatéraux ».

« On doit investir comme société dans les programmes disponibles pour ces jeunes-là parce que l’impact au long cours va être des jeunes avec des morbidités et des mortalités précoces (…) et des coûts pour le système de santé qui vont être exorbitants », a-t-elle prévenu en terminant.

SOURCE – Jean-Benoit Legault, La Presse canadienne