Haïti, le 12 janvier 2010 : la journée tirait à sa fin et, un peu partout, chacun vaquait à ses occupations le plus naturellement du monde, comme à chaque jour, sans que rien ne laisse présager que cet ordre des choses puisse être soudainement pulvérisé. Pourtant, quelques secondes devaient suffire pour bouleverser l’existence de toute une nation. Depuis cinq ans, les superlatifs n’ont pas manqué pour décrire ce tremblement de terre et ses suites sur le peuple haïtien. Mais l’envers de ce sensationnalisme médiatique destiné à la consommation des masses, c’est le vécu intérieur des survivants, des témoins et leur guérison émotionnelle. Le Centre de santé, de par son mandat et sa clientèle, était bien placé pour faire le point sur le parcours des Haïtiens de la communauté suite à ce drame.
C’est à un évènement empreint de dignité auquel le Centre de santé avait convié la population et particulièrement ceux d’origine haïtienne. Le 12 janvier dernier, au site de Welland, ils étaient une soixantaine à venir témoigner de leur solidarité à l’occasion du cinquième anniversaire de cette tragédie. Jean-François Célestin, travailleur d’établissement dans les écoles, a agi comme maître de cérémonie dans le cadre de cette soirée débutée par le Ô Canada et La Dessalinienne, l’hymne national d’Haïti. Il s’agissait d’une occasion de socialiser autour d’un repas et, pour certains, de connaître un peu mieux ce pays. En effet, les photos projetées sur écran permettaient de se familiariser quelque peu avec les paysages et le patrimoine historique de la « perle des Antilles », faisant réaliser à quel point les images de ruines ont occulté les beautés de cette contrée.
Cependant, les participants à ce rassemblement n’étaient pas venus pour s’amuser et s’extasier mais bien pour se souvenir et se serrer les coudes. Comme l’a expliqué le directeur des services d’établissement, Bonaventure Otshudi, dans son mot de bienvenue : « Nous nous joignons au peuple haïtien pour commémorer les centaines de milliers de gens qui ont perdu la vie dans le séisme de 2010 », avant de rappeler comment les francophones du Niagara et de Hamilton s’étaient mobilisés à l’époque pour aider les Haïtiens et compatirent avec eux. Avant d’entendre les témoignages de survivants, Guy Thibaud, conseiller en toxicomanie au Centre de santé, a d’abord fait une présentation sur le stress post-traumatique, ses caractéristiques et ses manifestations. Ayant été bénévole en Haïti, il a été témoin de la difficulté qu’y ont les gens à se confier, craignant d’être stigmatisés comme fous. M. Thibaud a rappelé l’existence des divers services de soutien psychologique offerts en français dans la région.
Un peu plus tard, Lynda Régis Petit-Frère a évoqué en quelques mots comment elle a échappé au sinistre. C’est ensuite en musique qu’elle a conclu son intervention : sa chanson, ode à la vie et à l’espoir, a été reprise en chœur par plusieurs gens dans l’assistance. Puis, Josette Valcourt s’est à son tour confiée aux participants. Arrivée au Canada en juillet 2009, c’est à distance qu’elle a été victime du séisme puisque sa fille, alors âgée de 23 ans, est décédée dans la tragédie. Mme Valcourt a expliqué combien les organismes et la communauté l’ont soutenue sans relâche alors qu’elle se remettait du choc émotionnel et qu’elle faisait son deuil : « Pendant tout le temps de cette épreuve, jamais ma maison n’a été vide ». Renaud Leroy se trouvait quant à lui dans son pays natal au moment où la terre s’est mise à trembler. C’est avec beaucoup de détails qu’il a raconté son expérience, notamment l’angoisse vécue par les survivants, alors que tous cherchaient à contacter leurs proches pour connaître leur situation. Guy Thibaud est ensuite revenu au micro pour élaborer sur son travail de bénévole en Haïti. Il a notamment raconté comment il a rescapé un enfant enlevé par un réseau s’adonnant au lucratif marchandage d’orphelins aux États-Unis, alors que les parents de certains de ces enfants étaient toujours vivants et à leur recherche.
Il était visiblement difficile pour certains de se raconter mais, après cinq ans et grâce au soutien de plusieurs, le pire est manifestement passé. Il reste encore bien des défis à relever en Haïti, mais ce n’est ni l’énergie, ni la bonne volonté, ni surtout la fierté qui manque pour y arriver.
Photo : Un des témoignages : Guy Thibaud a partagé son expérience comme bénévole.