Incroyable mais vrai, une cinquantaine de Grognards ont mis en déroute une infanterie britannique pourtant supérieure en nombre, le week-end dernier à Niagara-on-the-Lake. Assiégée par les troupes de Sa Majesté George III, dont le campement était établi à l’extérieur de l’enceinte du Fort George, la Grande Armée de Napoléon a tenu bon, sous les feux nourris d’une épique bataille rangée.
Bien entendu, le véritable empereur des Français n’a jamais mis les pieds en Amérique du Nord, ni au XXIe siècle ni jamais dans l’histoire. Cependant, la reconstitution historique proposée par l’Association Friends of Fort George a permis au public d’apprécier des uniformes différents auxquels ils sont peu accoutumés, les transportant durant deux jours dans l’Europe de l’après-Révolution française.
« La guerre de 1812 a eu lieu en même temps que la guerre napoléonienne, précise Peter Martin, coordinateur de l’événement. Elle a rendu l’organisation de cet événement très semblable aux reconstitutions que nous faisons ici plus régulièrement. Tous les uniformes et l’équipement appartiennent aux figurants, des bénévoles qui voyagent de partout en Amérique du Nord. »
« À cette époque, le cœur du conflit se situait en Europe, contextualise Alex Dale, agent d’interprétation à Parcs Canada, le gestionnaire du fort historique. Les grandes puissances étaient coalisées contre la France. Napoléon a dû abandonner l’idée d’envahir l’Angleterre pour se battre sur plusieurs fronts, contre l’Espagne, la Prusse, la Russie et le Royaume-Uni. En Ontario, on estime qu’il n’y avait que 2000 soldats britanniques réguliers au commencement de la guerre de 1812 contre les Américains, sans compter la milice canadienne. »
Tout comme cet agent, une centaine de volontaires ont revêtu l’uniforme d’une des deux armées. Les grenadiers français (que Napoléon appelait Grognards car ils se plaignaient souvent) étaient reconnaissables à leur veste bleue, leur pantalon blanc et leur bonnet noir surmonté d’une plume rouge.
« Portez armes », « tirez »… les ordres dans la langue de Molière ont fusé dans l’enceinte du fort, dans un concert de détonations et un nuage de fumée. Le siège britannique d’un fort qu’il fallait imaginer être une forteresse de Vauban s’est effondré dans une dernière salve de tirs suivie de vivats : « Vive la France », « Vive l’empereur » ont scandé les soldats victorieux entonnant La Marseillaise.
La reconstitution a ainsi eu lieu plusieurs fois durant la fin de semaine pour le plaisir d’un public nombreux qui a aussi pu assister à des démonstrations de tir de mousquet, des présentations d’uniformes, sillonner un village d’artisans d’antan et (re)découvrir les pages d’histoire qui se sont écrites ici, durant la guerre anglo-américaine.
Édifié entre 1796 et 1802, surplombant la rivière Niagara, le Fort George – où exerça le général Brock jusqu’à sa mort – a été bombardé et conquis par les Américains en mai 1813. Il devait servir à envahir le reste du Haut-Canada, mais leurs revers aux batailles de Stoney Creek et Beaver Dams les ont contraints à battre en retraite. Les Britanniques reprendront le fort en décembre de la même année. De cette époque, seule la poudrière a été conservée dans son état d’origine.
La prochaine reconstitution au Fort George, le week-end prochain, constituera un véritable bond dans le temps puisqu’elle commémorera, les 16 et 17 juin, le centenaire de la fin de la Premiere Guerre mondiale.