MONTRÉAL – Les gens qui souffrent d’hypertension artérielle et qui prennent leur médication au moment d’aller au lit contrôlent mieux leur pression et réduisent considérablement leur risque de décès ou de maladies de cause cardiovasculaire, démontre une nouvelle étude espagnole.
Le professeur Ramón C. Hermida, de l’Université de Vigo, et ses collègues ont demandé à quelque 19 000 participants de prendre leur médication soit au réveil, soit au moment d’aller au lit. Ces sujets ont été suivis pendant environ six ans, période pendant laquelle leur pression ambulatoire a été mesurée pendant 48 heures au moins une fois par année.
Les chercheurs ont constaté que ceux qui prenaient leur médication au coucher réduisaient de 45 pour cent leur risque de crise cardiaque, d’accident vasculaire cérébral ou d’insuffisance cardiaque, ou d’avoir besoin d’une intervention pour dégager une artère bloquée (revascularisation coronaire), comparativement aux patients qui prenaient leur médication au réveil.
« On avait cette notion-là que c’était plus efficace de prendre des médicaments antihypertenseurs au coucher, mais c’était considéré non démontré hors de tout doute, a commenté le cardiologue Martin Juneau, de l’Institut de cardiologie de Montréal. Mais avec une étude de cette envergure-là, avec autant de patients, ça donne du crédit à l’hypothèse. Et ils ont non seulement un meilleur contrôle de la pression nocturne, mais en plus, ça se traduit par une baisse importante des événements cliniques. Je trouve que c’est convaincant. Ça fait au moins dix ans qu’on parle de ça, mais là ça vient rajouter un bon morceau au puzzle. »
Le risque de décès de cause cardiovasculaire était réduit de 66 pour cent, celui d’accident vasculaire cérébral de 49 pour cent, celui d’infarctus du myocarde de 44 pour cent, celui de défaillance cardiaque de 42 pour cent et celui de revascularisation coronaire de 40 pour cent.
Les chercheurs ont ajusté leurs résultats pour tenir compte de facteurs comme l’âge, le sexe, le diabète de type 2, la maladie rénale, le tabagisme et les niveaux de cholestérol.
Infarctus matinaux
« Les patients font plus d’infarctus le matin, c’est bien connu, vers 5, 6, 7 h le matin, plutôt qu’à d’autres moments, a pour sa part rappelé le docteur Maxime Lamarre-Cliche, le directeur de la clinique d’hypertension de l’Institut de recherche clinique de Montréal. Si on a des gens qui ont des infarctus plus le matin, si on prend nos médicaments plus proches de cette période-là, c’est-à-dire la nuit en se couchant, est-ce qu’on va éviter un peu plus d’événements? »
L’effet maximal de ces médicaments est atteint après trois ou quatre heures, poursuit le docteur Lamarre-Cliche, avant de commencer à s’atténuer. La théorie était donc – et c’est ce qui a été essayé dans cette étude – de profiter de l’effet maximal du médicament au moment où on en a le plus besoin.
« Si on met les choses un peu à l’envers, il faudrait traiter environ une dizaine de personnes (en prenant) les médicaments au coucher pendant la durée de l’étude pour qu’il y en ait une qui évite d’avoir un problème cardiovasculaire, a-t-il expliqué. Pour nous, c’est quand même un chiffre qui est certainement appréciable, surtout pour un investissement qui est relativement modeste; prenez vos médicaments au coucher au lieu de les prendre le matin, ce n’est pas si épouvantable que ça en termes de possibilité pour les patients et pour les médecins de prescrire de cette façon, et si on peut obtenir un bénéfice comme ça, pour cet investissement-là, je pense qu’on est dans une situation gagnant-gagnant. »
Alors que les médecins recommandent de prendre la médication le matin pour réduire la pression à ce moment, le professeur Hermida a expliqué dans un communiqué que « la pression systolique moyenne pendant le sommeil d’un patient est l’indication la plus importante et la plus indépendante de risque cardiovasculaire ».
La pression moyenne des patients qui prenaient leur médication le soir était nettement plus basse la nuit comme le jour, et leur pression chutait davantage la nuit, comparativement aux patients qui la prenaient le matin, précise le communiqué.
« On sait que quand on mesure la tension artérielle sur 24 heures, les gens dont la pression baisse de plus de 10 pour cent la nuit, c’est ce qu’on recherche comme contrôle maintenant, a dit le docteur Juneau. L’étude montre bien que quand on prend la médication la nuit, on a plus de baisse de pression nocturne, et là ça entraîne une cascade de phénomènes physiologiques qui sont bons. »
Cette étude a été publiée par le European Heart Journal.
SOURCE : Jean-Benoit Legault, La Presse canadienne