La galerie Uptown, à Waterloo, fêtait ses 10 ans le 18 novembre dernier. Se distinguant par son statut de coopérative, cette galerie permet aux 22 artistes qui en sont membres de se faire connaître et d’écouler leurs créations sur le marché. Sophie Drouin fait partie de ceux et celles qui bénéficient de cette institution unique en son genre dans la région et qui lui donne l’occasion de faire découvrir un art encore méconnu : la mosaïque.

Pourtant, cette discipline ne date pas d’hier. Ainsi, en Europe, de nombreuses ruines datant de l’Antiquité recèlent de fascinantes mosaïques. Les Romains, a qui l’on doit le perfectionnement de cet art, en ont fixé les normes et, encore aujourd’hui, la terminologie et les techniques utilisées par les mosaïstes s’inscrivent dans les traditions qu’ils ont établies.

« Dans son histoire de 3000 ans, excepté, peut-être, dans les 100 dernières années, le concept et le design étaient faits par un peintre », explique Mme Drouin. C’est encore en partie le cas en Italie, pays auquel l’histoire de la mosaïque est intimement liée. L’art consistant à juxtaposer des tesselles de matériaux divers pour créer une image n’était pas considéré comme une discipline à part entière et les mosaïstes n’étaient, en somme, que les exécutants d’un autre concepteur. Ce n’est qu’au cours du XXe siècle, entre autres grâce à la découverte de nouveaux matériaux, que la céramique a acquis son autonomie, passant de la catégorie « art secondaire » à celle d’« art primaire ». Cependant, quelques musées, garant d’une certaine orthodoxie institutionnelle, ne reconnaissent toujours pas ce changement.

La mosaïque, comme plusieurs autres disciplines, s’est émancipée de pratiques séculaires et s’est diversifiée. La pierre y côtoie allègrement le verre, en particulier un type spécifique créé exclusivement à des fins artistiques il y a une centaine d’années et dont il n’y a que trois fournisseurs dans le monde. Autrefois confinée à être encastrée dans les planchers et les murs, la mosaïque se décline à présent en œuvres d’art individuelles, une possibilité offerte par l’utilisation d’un ciment spécial. La traditionnelle surface lisse a également fait place à une grande variété de texture.

Les mosaïstes modernes jouent des contrastes entre les matériaux naturels, souvent plus mat et reflétant peu la lumière, et les matériaux nés de la main de l’homme, se distinguant par leurs couleurs et leur luminosité. « J’ai une préférence pour les combinaisons de matériaux », confie Sophie Drouin, qui va parfois jusqu’à intégrer des fils de cuivre à ses oeuvres pour créer des effets spécifiques. Mme Drouin privilégie également la création de pièces destinées à être mises à proximité d’une fenêtre et qui se transforment d’heure en heure en fonction de la lumière du jour. Les abstractions inspirées de phénomènes réels l’inspirent aussi beaucoup.

Le Canada ne compte que peu de mosaïstes et cet art ne dispose pour l’instant que d’une diffusion assez restreinte. Cependant, les choses changent peu à peu : « C’est un médium qui a beaucoup profité d’internet et du partage des images », explique Mme Drouin.

Mais le public peut également admirer les œuvres des mosaïstes dans les musées et les galeries. Une visite à la galerie Uptown permettra ainsi à chacun de jeter un coup d’œil à quelques-unes des créations de Sophie Drouin et peut-être même de la rencontrer sur place, les membres de la coopérative se relayant à la réception. L’ensemble de la collection comprend des œuvres de diverses disciplines et, tous les deux mois, de nouvelles pièces qui valent le détour y sont exposées et mises en vente.