Restaurants Canada compte plus de 40 000 membres. Combien de ces restaurateurs seront toujours membres de cette association qui défend leurs intérêts au terme de la pandémie? Déjà, en octobre, au seuil de la deuxième vague, Restaurants Canada estimait à 188 000 le nombre d’emplois perdus dans ce secteur depuis le début de l’année et évaluait que la moitié des restaurants sont à risque de fermer leurs portes d’ici un an.

Ce que vit le secteur de la restauration depuis mars est emblématique des conséquences des politiques gouvernementales liées à la pandémie. Acceptés de bon gré, au printemps, comme une nécessité à court terme, le confinement et les interdits de toutes sortes sont de plus en plus contestés en Ontario comme ailleurs. Sont-ce là des mesures efficaces et indispensables?

Plus tôt cet automne, alors que le nombre de cas de COVID-19 commençait à augmenter et qu’il était déjà question d’un renforcement de la réglementation sanitaire, le président et chef de la direction de Restaurants Canada demandait des comptes. Dans une lettre ouverte du 22 octobre dernier, Todd Barclay écrivait : « Avec l’arrivée de cette deuxième vague, notre industrie se trouve particulièrement ciblée, et nous méritons qu’on nous explique pourquoi. On ne nous a pas fourni de données précises indiquant clairement que les restaurants sont la source de transmission de la maladie ».

C’est sans doute avec consternation que Restaurants Canada tout comme la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) prennent connaissance des données du gouvernement ontarien à cet égard. En effet, les statistiques relatives à la transmission et aux éclosions sont régulièrement mises à jour et les petits commerces de toutes sortes n’y occupent jamais la première place en termes de points chauds où la population est le plus à risque.

Ainsi, à la mi-novembre, une étude du comité aviseur scientifique du gouvernement mis en place pour faire face à la pandémie (Ontario COVID-19 Science Advisory Table) révélait que les bars, restaurants et boîtes de nuit étaient pointés du doigt pour 6,5 % des éclosions. Les épiceries, commerces de détail et services divers étaient tenus responsables de 5,6 % des éclosions tandis que cette proportion s’établissait à 3,3 % pour les salles d’entraînement et autres installations sportives.

Sans surprise, c’est au sein des foyers de soins de longue durée et des résidences pour aînés que se produit la majorité des éclosions, soit 28,5 %.

Rappelons que ces chiffres n’englobent pas seulement les clients, bénéficiaires et résidents de ces commerces et institutions, mais aussi des employés ayant été contaminés par leurs collègues.

Qui plus est, il s’agit là de données basées sur le traçage. Or, en date du 8 décembre, 33,1 % des cas, depuis le début de la pandémie, pouvaient être attribués à la « transmission communautaire », une catégorie utilisée par le gouvernement ontarien qui, au fond, englobe les cas qui ne peuvent être attribués à un lieu précis. Dans 42,4 %, la transmission du coronavirus était mise sur le compte d’un « contact rapproché », une autre catégorie plutôt large dans laquelle se trouvent notamment les relations familiales.

Pourquoi alors boutiques et restos devraient-ils être regardés avec tant de suspicion? À la lumière de ces données qui s’accumulent depuis plusieurs semaines, de plus en plus de gens, au premier chef desquels des entrepreneurs, commencent à se questionner quant à ce qui est perçu comme un acharnement injustifiable sur leur gagne-pain.

Ils ne sont pas les seuls. La FCEI rendait publics, le 8 décembre, les résultats d’un sondage révélant que 87 % des consommateurs trouvent injuste que les gouvernements, en zones de confinement, interdisent les achats en magasin chez les petits détaillants alors que les grandes surfaces demeurent ouvertes. Les Canadiens jugent également, dans une proportion de 93 %, que les gouvernements devraient se contenter de permettre aux petits commerces de demeurer ouverts avec une limite au nombre de clients reçus sur place.

Fait intéressant, ils étaient 72 % à se dire plus en sécurité dans une petite entreprise locale à capacité réduite que dans un magasin à grande surface très fréquenté.

« On doit en finir avec l’approche, deux poids deux mesures. Les PME sont actuellement très vulnérables. D’autres mesures de confinement seraient fatales pour un très grand nombre d’entre elles. Nous avons besoin d’elles pour relancer notre économie. Il faut leur donner une chance de survivre jusqu’en 2021 », a déclaré Jasmin Guénette, vice-président aux Affaires nationales à la FCEI.

Rappelons qu’en date d’aujourd’hui, sur le territoire couvert par Le Régional, la ville de Hamilton et les régions de Waterloo et de Halton sont classifiées comme des zones rouges par le gouvernement provincial, c’est-à-dire l’étape précédant le confinement complet.

La péninsule du Niagara est en ce moment en zone orange, mais le Dr Mustafa Hirji, directeur par intérim de la Santé publique de la Région du Niagara, n’écarte pas la possibilité que les rassemblements de Noël et du jour de l’An puissent faire basculer le territoire en zone rouge en janvier.

Les petites entreprises vivent avec une épée de Damoclès au-dessus de leur tête depuis des mois, constamment soupçonnées d’être des lieux où la transmission de la COVID-19 y est hors de contrôle.

En multipliant les interdits à l’approche du temps des Fêtes, le gouvernement a asséné un coup dur aux commerces, restaurants et services de toutes sortes qui profitent souvent de ce moment de l’année pour renflouer leurs finances. Hélas, il se pourrait que la fin de leurs malheurs ne soit pas pour demain.

PHOTO – La rue St. Paul, au coeur de St. Catharines, est une des artères commerciales et touristiques les plus importantes de la ville.