L’Alberta n’oblige plus les industries à déposer leurs rapports environnementaux périodiques, en vertu des pouvoirs de l’état d’urgence sanitaire décrété par la province pour lutter contre la pandémie de COVID-19.
Puisque tout le système de réglementation environnementale en Alberta repose sur les déclarations volontaires de l’industrie, le décret suspend dans les faits cette réglementation dans la province, a estimé Shaun Fluker, professeur de droit à l’Université de Calgary.
« Nous n’envoyons pas de responsables sur le terrain pour garantir le respect » de la réglementation, a-t-il rappelé. « Cette lacune (en matière d’information) signifie sans doute que nous ne faisons pas que suspendre les rapports environnementaux : nous suspendons tout le fonctionnement du système de réglementation. Nous perdons la capacité d’exercer des mesures de conformité et d’application. »
Cette suspension s’applique à trois grandes lois environnementales qui sont au coeur de la protection de l’environnement en Alberta. Elle ne s’applique pas toutefois aux systèmes d’alimentation en eau potable. La porte-parole du ministère, Jess Sinclair, a indiqué que la décision avait été prise pour donner un peu de répit à toutes les entreprises devant remplir un rapport environnemental, des cimenteries aux sociétés forestières, qui font face à une réduction de main-d’œuvre en raison de la pandémie.
Le décret, signé mardi par le ministre de l’Environnement, Jason Nixon, dure au moins 60 jours et jusqu’à 90 jours. Mais le professeur Fluker croit que cela pourrait être plus long – tant que l’état d’urgence sanitaire sera en vigueur.
Le décret précise par ailleurs que les entreprises doivent continuer à colliger les informations requises et les transmettre au ministère « sur demande ». Mais M. Fluker demeure sceptique et il déplore le flou qui persistera entre-temps. « Plus cet écart persiste, plus il est probable qu’on ne s’occupera pas des infractions à certaines normes en place pour protéger la santé humaine et l’environnement. »
Greenpeace International n’a pu trouver que quelques exemples d’autres gouvernements qui ont utilisé la pandémie pour assouplir leurs règles environnementales. « Aux États-Unis, le lobby pétrolier a convaincu l’administration Trump d’utiliser l’urgence sanitaire comme couverture pour faire reculer les lois environnementales, et il semble bien que (le premier ministre Jason) Kenney soit impatient de faire pareil », a soutenu Keith Stewart, de Greenpeace Canada.
Anna McIntosh, du cabinet d’avocats en environnement Écojustice, a rappelé par ailleurs que la Régie de l’énergie de l’Alberta n’avait pas prolongé de son côté les échéanciers pour l’évaluation des nouveaux projets. « Le mécanisme de délivrance des permis pour les projets fonctionne à plein régime en Alberta, alors que la surveillance environnementale prend le bord. »
SOURCE : Bob Weber, La Presse canadienne