Geneviève Sicotte, professeure titulaire au Département d’études françaises de l’Université Concordia, était de passage à Hamilton dans le cadre de la Nuit des chercheurs, le lundi 10 février. Un de ses domaines de recherche et d’enseignement – la place qu’occupe la nourriture dans la littérature – a piqué la curiosité de quelques personnes qui se sont jointes à un souper-causerie où Mme Sicotte a échangé avec les convives sur le thème des rituels alimentaires.
La littérature n’est pour plusieurs qu’un passe-temps parmi d’autres consistant à envelopper un récit de belles tournures de phrase. Or, quiconque se penche sur les romans et les recueils de poésie d’hier à aujourd’hui y trouve une mine d’information pour les ethnologues. L’imaginaire collectif de la société dans laquelle évoluent les auteurs, les us et coutumes de leurs contemporains, les fragmentations sociales qui existent à leur époque, etc., tout cela est souvent évoqué dans leurs œuvres.
Le temps passé à table est un de ces aspects de la vie empreints de rituels parmi les plus divers. Par rituel, les chercheurs entendent un geste répété en des circonstances précises qui symbolise quelque chose ou qui implique une transformation de statut pour celui qui le performe ou y prend part. Il peut s’agir de traditions familiales, de relations sociales, de rites religieux, etc.
« On a un savoir des rituels. C’est un savoir implicite, séculaire », commente Geneviève Sicotte. Cela se traduit par des gestes souvent très simples, à peine perceptibles, tel qu’utiliser une vaisselle spécifique à un moment déterminé de l’année ou cuisiner une recette transmise depuis plusieurs générations pour une occasion spéciale.
D’autres fois, le rituel prend la forme d’un rite de passage. Ainsi, prendre son premier repas dans un appartement où l’on vient d’emménager constitue une forme d’appropriation du lieu; ou encore un père qui amène son fils à la chasse pour la première fois le fait implicitement passer du statut d’enfant à celui d’adulte. Autre exemple : bon nombre de traditions gouailleuses, telles que les initiations étudiantes, visent à intégrer quelqu’un à un groupe et l’abus d’alcool, entre autres excès, permet de faire tomber les barrières.
Pour étayer ses propos, Mme Sicotte a présenté des extraits de quatre œuvres québécoises dans lesquelles la nourriture est évoquée : Les Anciens Canadiens, de Philippe Aubert de Gaspé, Forestiers et voyageurs, de Joseph-Charles Taché, Le Survenant, de Germaine Guèvremont et Mãn, de Kim Thúy. Ce survol de 150 ans de littérature a permis d’illustrer les concepts évoqués mais aussi d’analyser les caractéristiques des rituels qui s’étiolent, qui perdent de leur pertinence au gré des changements d’époques et de générations.
Les personnes présentes à la causerie étaient toutes passionnées de littérature de sorte que les propos de Geneviève Sicotte leur étaient facilement accessibles. Cependant, quiconque peut s’initier à l’analyse de textes sous le même angle et décrypter les sous-entendus d’une œuvre permet d’en saisir toute la profondeur et de l’apprécier d’autant plus.
PHOTO: Dans un cadre intimiste et convivial, Geneviève Sicotte (à l’extrême-droite sur la photo) a entretenu les convives des rites entourant la nourriture.