À la veille d’une tournée pancanadienne et européenne en 2018, le duo bilingue Moonfruits a produit dans le Sud-Ouest ontarien, du 10 au 13 janvier, une série de mini-concerts qui réservait bien des surprises, à la fois dans les lieux choisis, l’interprétation et le public.

Couple dans la vie comme à la scène, Alex et Kaitlin Millaire vivent depuis 2012 une ascension remarquée dans le monde de la musique, portés par la reconnaissance de la communauté. Leur participation en 2015 au programme Rond-Point de l’APCM a donné un sérieux coup de pouce aux lauréats du Prix Résidence d’écriture de la Maison Félix-Leclerc et du Prix de la chanson primée SOCAN pour la chanson Les Marins.

C’est cette chanson et celles qui composent leur deuxième album, Ste-Quequepart, que Moonfruits a distillé à Oakville, où Kaitlin chantait pour la première fois devant sa famille, avant de se rendre le lendemain à Guelph dans un lieu insolite : le sous-sol d’une maison. Leurs hôtes n’étaient autres que le groupe local Tragedy Ann, qui les accompagnait dans cette tournée les conduisant jusqu’à St. Catharines et Toronto.

Entre piles de vinyles et instruments de toute sorte, Moonfruits a égrainé une mosaïque de portraits ordinaires formant une société fictive qui ne tourne pas rond. «  C’est un album concept que l’on a développé à notre retour d’Europe en 2015, confie Alex. On s’est rendu compte que la situation socioéconomique difficile que vivaient les jeunes là-bas était la même chez nous, au Canada. Trouver un boulot à temps plein, retourner vivre chez ses parents qui recommencent à travailler à la retraite pour survivre… Ces réalités n’épargnent plus personne depuis 2008. Pour les appréhender, on les a fait converger dans le village imaginaire de St. Quequepart que de nouveaux habitants sont venus peupler au gré de notre écriture. Chaque personnage a sa chanson dans l’album et parle à travers elle. »

Avec Ste-Quequepart, Moonfruits bâtit ainsi une micro-société dystopique gouvernée par l’indifférence et la désillusion qui laisse une place à l’espoir et revendique l’émotion. Pour s’ancrer dans ce monde-là et lui donner une teinte communautaire, le francophone d’Ottawa et la francophile d’Oakville ont choisi le français. La voix ronde de Kaitlin en harmonie avec celle d’Alex et son banjo ne laisse cependant personne au bord du chemin.

Dans les textes comme dans la musique, pas de chasse gardée. Auteur-compositeur d’expérience (Moonfruits est son 13e groupe), Alex apporte le diamant brut, tandis que Kaitlin en taille les facettes. « Elle pèse chaque mot pour donner tout son sens à la chanson, ajoute Alex. Elle instille de la simplicité et de la poésie pour faire passer des messages parfois complexes et emmener les gens avec nous. »

Et lorsque la musique précède le message, c’est souvent pour introduire un instrument singulier comme le kalimba, cet étrange piano à pouce que le public a écouté toutes lumières éteintes dans une atmosphère étrange et envoûtante.

Photo : Kaitlin et Alex Millaire en concert à Guelph.