Le douzième album d’Émilie-Claire Barlow est un peu comme la couverture que l’on tire à soi les jours de frimas, blotti près de la cheminée. Sorti le 3 novembre, Lumières d’hiver réchauffe, réconforte et prépare chacun à cette longue période de fête qui a bercé l’imaginaire de notre enfance.

Onze ans après Winter Wonderland qui a lancé sa carrière au Québec, la chanteuse franco-ontarienne explore à nouveau le thème de l’hiver et des fêtes, cette fois en français – pour une large part – avec des reprises de classiques comme Noël Blanc et As-tu vu le père Noël? ainsi que des compositions originales qu’elle chantera le 18 décembre au First Ontario Performing Arts Centre de St. Catharines.

« Pour moi qui suis née à Toronto, le froid n’avait jamais été quelque chose de très agréable, jusqu’à ce que je me rende à Montréal, avoue-t-elle. Là-bas, j’ai découvert que sous l’épaisse couche de neige il y avait une chaleur humaine incroyable. Un jour de décembre, après huit heures de route, je suis montée sur une colline pour contempler la nuée de lumières qui embrasait la vallée. C’était magique. J’ai gardé de nombreux souvenirs comme celui-ci qui font qu’aujourd’hui hiver et Québec sont indissociables à mes yeux. Chaque année, je fais l’aller-retour pour un spectacle de Noël. »

En chantant en français, Émilie-Claire Barlow communie donc un peu plus avec ce public qui l’a toujours accueillie comme l’une des siennes dans les festivals, mais franchit aussi un palier supplémentaire dans son art musical.

« C’est une progression à la fois dans la composition et dans la collaboration, affirme-t-elle. Dans le passé, je faisais tous les arrangements seule. Depuis l’album Clear Day (2015) qui fut un projet épique, j’ai appris beaucoup de choses sur moi et sur la direction que je voulais prendre, notamment en laissant plus de place à la composition. »

On retrouve cette volonté dans son dernier album avec trois titres originaux – Lumières d’hiver, Janvier et Le dernier Noël – que l’artiste a mélangé avec des morceaux traditionnels incontournables. Un cocktail de fraîcheur et de nostalgie qu’elle a orienté plus pop que jazz, en apportant des harmonies sophistiquées, en particulier avec la basse de Steve Webster. « C’est un luxe pour moi de travailler avec celui qui partage ma vie car on peut échanger des idées en tout temps. » Parmi les surprises à découvrir : la version française de Hey Santa (des sœurs Carnie et Wendy Wilson) avec Ingrid St-Pierre et une relecture de Combien de Noël de Tricot Machine.

Que de chemin parcouru par la petite fille de 7 ans qui s’illustrait dans les publicités à la radio et la télévision, sous l’œil amusé de ses parents musiciens ! « J’ai passé ma jeunesse dans les studios à Toronto où enregistraient ma mère (chanteuse-compositrice) et mon père (percussionniste). Ça représentait deux à trois sessions par jour dans les années 1970-80. J’écoutais beaucoup de musiques différentes, très inspirées par les grands standards de Frank Sinatra à Tony Bennett, en passant par Sarah Vaughan et Joni Mitchell. Je connaissais déjà beaucoup de chansons par cœur avant d’entrer au secondaire à l’école d’art d’Etobicoke puis d’étudier au Collège Humber. »

Le trio de jazz qu’elle fonde en dernière année de secondaire signe son premier album en 1998, Sings, travaillé avec son père qui ne cessera de l’accompagner tout au long de sa carrière aux 12 albums. Citons The Beat Goes On (2010), son favori, qui contient ses chansons les plus populaires, ou encore Seule ce soir (2012) entièrement en français. Des succès qui lui ouvriront les portes des meilleurs clubs de jazz et festivals, et lui vaudront un Félix et deux prix Juno.

« C’est surtout un honneur d’avoir eu une nomination comme producteur de l’année en 2016, estime-t-elle. Peu de femmes sont reconnues comme producteur. Cela montre que c’est possible. »

Au terme d’un marathon de 17 dates, des Maritimes à Tokyo, il sera temps pour la Torontoise de faire une pause et de penser à la suite. « J’ai tellement d’idées. Trop! Il faut que je réfléchisse à quelle direction emprunter. Une chose est sûre, la composition originale va prendre de plus en plus de place dans mon travail. »

 

Photo (Steve Webster) : Émilie-Claire Barlow.