Ernest Biktimirov est professeur de finance à la Goodman School of Business de l’Université Brock, à St. Catharines. Depuis quelques années, M. Biktimirov emploie à l’occasion une approche originale pour illustrer certains concepts économiques : l’usage de proverbes francophones. Il a même déjà publié un article à ce propos dans le magazine Advances in Financial Education dans lequel il détaille les retombées pédagogiques de cette fusion entre les concepts abstraits du marché et les expressions colorées de la langue française.
Avant de s’initier à la langue de Molière, M. Biktimirov avait déjà exploré les possibilités de cette technique avec des proverbes anglais, espagnols et chinois pour des groupes d’étudiants parlant ces langues. Selon lui, ces formules imagées permettent à son auditoire d’assimiler plus facilement la matière, de surmonter la barrière des langues et de créer des liens entre l’enseignant et les étudiants. Cela est d’autant plus important en cette époque où prévaut la mondialisation des échanges de toutes sortes et où les universités d’ici et d’ailleurs multiplient les programmes conjoints et attirent de plus en plus d’étudiants étrangers. Or, les cours de finance sont réputés parmi les plus difficiles et un professeur canadien pourrait se trouver pris au dépourvu si les exemples qu’il utilise communément pour illustrer ses explications ne collent pas à la réalité d’étudiants d’origine asiatique ou européenne. Substituer aux exemples des proverbes issus de la culture d’un auditoire est une autre façon d’imager un concept. Qui plus est, ces futurs professionnels de la finance pourront à leur tour utiliser ces métaphores pour vulgariser des abstractions économiques à leurs clients.
C’est graduellement que le professeur Biktimirov a réalisé le potentiel de cette approche qu’il utilise notamment avec les étudiants internationaux. Ainsi, l’été dernier, il a donné un cours à un groupe de Français venus effectuer des visites d’entreprises dans la région du Niagara. C’est en puisant dans des recueils de proverbes que Ernest Biktimirov déniche et compile toutes les expressions qui peuvent lui être utiles, leur signification et leur prononciation. Quatre stratégies permettent de maximiser l’impact pédagogique d’un proverbe : en faire mention avant de présenter le concept économique qu’il est censé illustrer, expliquer clairement ce qu’il signifie, utiliser plusieurs proverbes pour chaque notion et en utiliser de nouveaux lorsque des concepts précédemment étudiés sont réutilisés.
Qu’en est-il de ces fameux proverbes francophones pouvant être mentionnés dans le cadre d’un cours d’économie? M. Biktimirov en recense des dizaines : « On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre » (référence aux projets mutuellement exclusifs), « Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué » (on ne peut tenir pour acquis une simple prévision), « Il ne faut pas mettre tous ses œufs dans le même panier » (diversifier ses investissements diminue le risque de pertes), « Qui ne risque rien, n’a rien » (les bénéfices potentiels d’un placement sont souvent proportionnels au risque de pertes), etc. Les analogies ne manquent pas, non seulement pour expliquer, mais aussi, tout simplement, pour enrichir cette expérience d’apprentissage hors de l’ordinaire.
La langue française est parlée dans plus de 50 pays et sert de pont entre de nombreuses cultures. En cette ère de mondialisation des échanges commerciaux, elle peut parfois s’avérer indispensable pour créer des liens et faire de bonnes affaires.
Photo: Ernest Biktimirov