Le 10 mars 1914, la suffragette Mary Richardson attaque avec un hachoir la toile de Diego Velázquez, Vénus à son miroir, dans la National Gallery de Londres, et y laisse sept entailles. Bruno Nassim Aboudrar s’inspire de cet acte de vandalisme pour écrire un polar-essai intitulé Qui veut la peau de Vénus? On y apprend que Richardson était une Ontarienne.

Avant la Première Guerre mondiale, l’arène politique est « un univers mâle où l’on échangeait des coups ». Une femme qui a assez de bon sens et de respect de soi ne s’y aventure pas. Les suffragettes sont alors perçues comme « les ennemies de la démocratie britannique ».
Pour attirer l’attention des politiciens, de la presse et du public, les suffragettes multiplient leurs manifs, se font arrêtées, vont en prison, font la grève de la faim. Elles vandalisent ou incendient des édifices publics et s’attaquent à des œuvres d’art.

La Vénus au miroir de Diego Velázquez, dite aussi Venus Rokeby, est un des fleurons de la National Gallery de Londres. C’est plus de deux siècles et demi après sa création (vers 1650), que Mary Richardson vandalise la toile en lui infligeant « sept taillades depuis la nuque jusques aux fesses ». L’auteur écrit que Richardson était une « cowgirl de l’Ontario »; elle est née à Belleville.

Selon Aboudrar, les coups de hache ne trahissent pas les agissements d’une folle en panique mais témoignent plutôt d’une haine froide qui donne le frisson. La Vénus au miroir, écrit-il, « montre tout ce que peut un corps ». Mary Richardson ne peut supporter « la confrontation de son corps mortifié, comme l’est celui des autres suffragettes, avec le corps paisible de Vénus ».

L’auteur mêle personnalités de l’époque et personnages de fiction pour créer une sorte de suspense ou polar truffé de données historiques. L’ouvrage est ni un roman ni un essai, plutôt un mélange des deux; Aboudrar ne réussit pas plus dans un genre que dans l’autre.

Il y a plein de longueurs – projets de loi sur le droit de vote des femmes, manifs des suffragettes, répression policière –, tellement que l’auteur noircit vingt pages de « gratitude » où il cite tous les ouvrages qu’il a consultés. Ça ressemble à du copier-coller.

Paul-François Sylvestre