De tous temps, des individus, des familles, parfois des peuples, se sont déplacés, s’arrachant de gré ou de force à leur milieu pour le meilleur et pour le pire. Les récentes générations auront cependant connu une immigration de masse et un choc des cultures d’autant plus important qu’il n’y a plus de limites aux distances que l’on peut parcourir. Que devient l’identité d’un homme lorsqu’il n’a pas de terre d’attache, lorsque, ballotté d’une terre à l’autre depuis son enfance, sa conscience et ses moeurs n’ont pu s’enraciner dans une civilisation? C’est ce qu’explore le comédien montréalais Mani Soleymanlou dans Un, un monologue tragicomique de sa création qu’il a présenté à l’Université Brock, à St. Catharines, le 25 octobre dernier.

Évidemment, dire de M. Soleymanlou qu’il est « Montréalais », c’est synthétiser un parcours diamétralement plus compliqué. Né en Iran, il a immigré en France avec ses parents puis s’est ensuite établi au Canada, d’abord à Toronto, après à Ottawa et finalement à Montréal.

Iranien mais pas tout à fait, occidental mais pas complètement, libéral intrigué par son pays d’origine marqué au sceau du conservatisme, Mani Soleymanlou s’interroge dans Un sur son identité culturelle et sur le sens à donner à l’appartenance à une nation. Ce n’est pas avec harmonie que tant d’expériences contradictoires se conjuguent dans une seule personne au tempérament inquiet, comme Mani Soleymanlou le laisse entrevoir.

Son interprétation joue autant sur la tragédie que sur la comédie, le tout mâtiné de surréalisme. Il nous fait découvrir, par la même occasion, la culture et l’histoire contemporaine de l’Iran, ses drames politiques et les ambitions secrètes de sa jeunesse. Après le spectacle, M. Soleymanlou est revenu sur scène avec Karen Fricker, professeur au département d’arts dramatiques de l’Université Brock, pour échanger avec les spectateurs. Le décor minimaliste était on ne peut mieux choisi. Comme le comédien l’expliquera aux spectateurs après la pièce, il avait réfléchi à certaines options pour illustrer, symboliquement, la nature de ses propos. Insatisfait, trouvant bancales les idées qui lui venaient en tête, il se résolut à composer avec de simples chaises, disposées comme dans le parterre d’un théâtre. Grâce aux effets son et lumière et au jeu du comédien, les chaises deviennent tour à tour avion, interlocuteurs, foule… L’absence de véritables accessoires permet de focaliser sur le discours.

Depuis sa création l’année dernière, Un a été présenté une quarantaine de fois au pays. En cette époque de mondialisation, le thème trouve visiblement un écho dans le public.

Photo : Mani Soleymanlou et Karen Fricker discutent avec les spectateurs.