L’Observatoire en immigration francophone au Canada (OIFC) a dévoilé les résultats d’une enquête nationale qui souligne les obstacles structurels qui entravent l’intégration des nouveaux arrivants d’expression française. L’étude appelle à une refonte des politiques publiques pour bâtir un système plus équitable et représentatif de la diversité francophone du pays.
Chrismène Dorme-IJL
Le 6 novembre, la rencontre a rassemblé de nombreux participants autour d’un enjeu crucial pour l’avenir des communautés francophones en situation minoritaire. Présenté par Abdoul-Malik Ahmad et Eya Benhassine, respectivement chercheur principal et chercheure associée à l’OIFC, et animé par Janaina Nazzari Gomes, professeure adjointe à l’Université de Guelph, l’atelier a offert une analyse claire et approfondie des obstacles auxquels se heurtent les personnes immigrantes francophones, depuis la demande initiale jusqu’à l’obtention de la résidence permanente.
L’étude, appuyée par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) et l’Université de l’Ontario français, se concentre sur les étapes de recrutement, de sélection et d’installation. Malgré des politiques d’apparence neutre, les résultats mettent en évidence des inégalités structurelles selon la région d’accueil, le pays d’origine ou le programme d’immigration.
Les résultats de l’étude, menée auprès de 81 personnes d’expression francophone installées depuis 2017, révèlent des entraves variées : linguistiques, administratives, économiques, professionnelles et institutionnelles. Selon les chercheurs, ces barrières ne sont pas de simples dysfonctionnements isolés, mais découlent même des outils et instruments institutionnels utilisés.
Parmi ces constats, les barrières linguistiques et communicationnelles demeurent importantes bien que 76 % des répondants aient pu échanger en français, plusieurs témoignent d’un accès limité à des services dans leur langue. « J’ai fait mes démarches de résidente permanente en français, mais j’ai reçu la lettre de confirmation en anglais », confie une participante.
Les délais administratifs et la manque de transparence des processus constituent d’autres irritants majeurs. Près de 45 % des personnes interrogées ont attendu plus de six mois pour une réponse d’IRCC. En effet, certains participants se sont plaints d’un manque d’interaction physique avec l’administration et 17 % des répondants affirment n’avoir jamais reçu les motifs de refus d’une demande.
Les difficultés de reconnaissance des diplômes et des expériences professionnelles limitent également l’accès au marché du travail. L’étude souligne que 43 % des participants avaient entrepris des démarches avant même de déposer une demande officielle, signe d’une préparation proactive mais souvent insuffisante face à un système rigide.
L’enquête souligne aussi la résilience des personnes immigrantes, qui déploient diverses stratégies d’adaptation, notamment le recours à des réseaux d’entraide, les relances répétées auprès des autorités ou la préparation en amont dans leur pays d’origine. Ces démarches, toutefois, exigent des ressources souvent inaccessibles à tous. « Migrer représente en soi une barrière systémique, car cela a un coût financier et symbolique », résume Abdoul Malik Ahmad.
Les personnes participant à l’enquête ont exprimé le souhait d’une simplification des procédures, d’une réduction des délais et d’un meilleur accès aux services en français, notamment à l’étranger.
Au-delà du constat, l’atelier a été conçu comme un espace de dialogue où chaque participant a pu faire part de ses inquiétudes. Certains ont aussi soulevé les limites d’application des recommandations dans des provinces à majorité anglophone. À cette préoccupation, M. Ahmad a répondu : « Nous allons élargir nos travaux, même au-delà du Canada, afin de produire une théorie la plus riche possible. ».
Pour Kimberly Jean Pharuns, directrice générale de l’OIFC, une seconde phase du projet est déjà envisagée et portera sur les pratiques prometteuses et reposera sur un échantillon élargi, afin de consolider la base théorique et diffuser les résultats plus largement.
L’objectif : transformer les constats en actions concrètes pour un système d’immigration plus équitable et véritablement représentatif de la diversité francophone canadienne.
En conclusion, Abdoul-Malik Ahmad a rappelé le sens de leur engagement : « Avant d’être des chercheurs, nous sommes avant tout des citoyens ». Cet atelier marque ainsi un tournant dans la réflexion sur l’équité et l’inclusion dans l’immigration francophone. Il ouvre la voie à un dialogue renouvelé entre recherche, institutions et communautés.
Photo : Abdoul-Malik Ahmad






