« Au début, je me suis fait dire : choisis « une » langue, déclare la cinéaste Karolyne Natasha à propos de son film Brise Glace/Broken Waters. Sur le coup, ça m’a complètement démoralisée. C’est alors que j’ai compris que je ferais un film français-anglais, ou rien du tout. »
Produit par Les films Believe, dont le siège social est à Guelph, le film et la cinéaste témoignent de résilience. Nombre d’années passées à la réécriture du scénario, à recruter une équipe talentueuse et à gratter les fonds de tiroirs pour financer la production ont finalement abouti au tournage, à Ottawa, en février 2019.
La pandémie de COVID-19 a retardé les plans de post-production, mais le film indépendant est maintenant soumis au Festival international du film de Toronto (TIFF) et la bande-annonce vient d’être lancée.
« Cela me rappelle l’histoire de Sylvester Stallone. Il a écrit le scénario de Rocky lorsqu’il était cassé et il a eu de la misère à le vendre parce qu’il n’était pas connu et insistait de demeurer impliqué. Il avait une vision en tête et il y tenait, ajoute Mme Natasha. Je crois en ce film, en mon équipe et au potentiel du cinéma bilingue au Canada. »
S’il est sélectionné pour le TIFF, Brise Glace/Broken Waters sera le premier film bilingue de l’Ontario à être présenté en première au festival. Décrit par la productrice comme « Antigone rencontre Away From Her », le film est un drame féministe qui se déroule à l’ère de la « superwoman » des années 1980, alors que le monde masculin de la psychiatrie est complètement axé sur les nouveaux médicaments psychotropes.
Pour sa part, la Dre Marguerite Lafontaine rejette les méthodes du métier courantes de l’époque et prône une nouvelle stratégie de traitement : la psychothérapie. Quoique l’occasion parfaite se présente avec l’arrivée d’une nouvelle patiente à l’hôpital qui ne cesse de parler d’enfants et d’une grossesse imaginaire, on ne fait que lui mettre des bâtons dans les roues.
« L’intrigue est opportune, et le bilinguisme quotidien était présent sur le plateau autant qu’il l’est à l’écran », explique la cinéaste.
Une équipe du tonnerre!
Le scénario, inspiré de la pièce de théâtre J’ai beaucoup changé depuis de Jocelyne Beaulieu, compte Marie-Thé Morin, une légende du théâtre franco-ontarien, comme une des scénaristes du film.
Le rôle principal de Marguerite Lafontaine est interprété par l’actrice canadienne Valérie Descheneaux, connue notamment pour son rôle dans le téléroman L’Auberge du chien noir diffusé à Radio-Canada. Pour sa part, Natalie Tannous, qui interprète la Dre Roy, a joué le rôle de la juge dans Antigone, nominé aux Oscars.
Derrière la caméra, se retrouvent Pierre Gregory, metteur en scène de plusieurs productions montées par Les Indisciplinés de Toronto, et le directeur de la photographie Onno Weeda, de la télésérie Suits et In the Dark.
Colleen Williamson, responsable de la conception artistique, faisait partie de l’équipe nominée pour les meilleurs décors aux Academy Awards pour le film Nightmare Alley et ZhiMin Hu, qui a effectué le montage du film, a été retenue en 2020 pour le prestigieux programme Women in the Director’s Chair.
« Pour des millions de Canadiens, parler anglais et français dans différents contextes est une réalité quotidienne. Cependant, nous ne la voyons jamais reflétée dans le patrimoine cinématographique canadien. Notre film va changer cela », conclut Karolyne Natasha.
Source : Dominique O’Rourke, Accolade Communications
Photo : Karolyne Natasha, cinéaste