Les Canadiens font moins d’enfants et seulement un sur deux se rend à l’école française. La petite enfance abandonnée, le Canada a misé sur l’immigration. Quels sont les résultats?
Ottawa s’est engagé à diriger hors Québec 4,4 % des arrivants francophones. Mais depuis dix ans, de taux stagne à 1,5 %. Et les deux tiers des immigrants s’évanouissent dans trois grandes villes anglophones : Toronto, Calgary et Vancouver.
Même le Québec piétine. De nombreux immigrants refusent d’apprendre le français et contournent la Loi 101, s’ils ne traversent pas promptement la frontière ontarienne pour échapper aux tensions identitaires.
Seulement 72 % des immigrants reçus de 2005 à 2014 sont encore au Québec en 2016, selon la Province. La pression monte pour réduire les cibles, en attendant de trouver les moyens de franciser et de garder les arrivants.
En milieu minoritaire, Ottawa aura consacré 60 millions $ sur deux feuilles de route pour favoriser l’immigration francophone. Les nombres ont grimpé, de 38 000 en 1991 à 74 000 en 2011, mais pas le pourcentage.
On peut comprendre les difficultés des arrivants. Ils sont traités comme une commodité et souvent accueillis par des institutions et des agences, non par des familles ou des groupes. Ils se retrouvent en des milieux chargés par l’identité des Canadiens de souche, mais ils ne partagent pas le même rapport avec le français, souvent leur seconde langue. Dans certains milieux homogènes, on les voit comme une menace.
Il n’existe pas de registre d’accueil, pas de données sur le parcours des familles ni sur le flux des migrations suivant l’accueil. On perd simplement leur trace, selon ce qu’on a entendu ces dernières semaines au Comité sénatorial des langues officielles.
Parmi le 1,5 % accueilli hors Québec, un nombre quitte les régions en quête de l’anonymat urbain. On ne va pas dire aux immigrants quoi faire ni où aller, ils sont libres. Combien s’intègrent-ils dans la francophonie? On l’ignore.
Des défis semblables, nous en vivons avec les couples exogames. Le parent non francophone n’est-il pas en quelque sorte un nouvel arrivant?
Nos communautés sont des passoires, reconnaissons-le. L’immigration n’est pas une panacée. Devrait-elle demeurer une priorité du prochain plan d’action ?
Les histoires à succès sont toutefois nombreuses et parfois émouvantes. L’immigration économique est réussie dans certaines régions, grâce aux 120 millions $ d’Ottawa. L’Ontario gagne le plus, 70 % des immigrants dirigés hors Québec, favorisée notamment par la capacité des conseils scolaires francophones de séduire.
La gestion scolaire serait la plus grande histoire de succès des communautés francophones, avec la gouvernance, la qualité des infrastructures, une pédagogie appropriée et l’ouverture des politiques d’admission. Les écoles sont devenues l’outil par excellence pour l’intégration.
C’est à cette réussite que les stratégies d’immigration devraient d’abord se greffer, en commençant par les jeunes enfants. Tout se joue avant d’aller à l’école, comme l’a rappelé récemment le commissaire aux langues officielles, Graham Fraser.
Si l’Ontario réussissait à renforcer son réseau institutionnel avec un système de développement de la petite enfance, un modèle serait en place pour relancer l’ensemble de la francophonie canadienne.
Analyse de Jean-Pierre Dubé
Photo : John McCallum, ministre fédéral de l’immigration