C’est à Welland que l’édition 2015 du Festiv’Ébène a établi ses quartiers, le 28 février dernier, le temps d’une soirée pendant laquelle, fidèle à son habitude, Sofifran a comblé les attentes d’un public avide d’exotisme. Pour certains, cet évènement avive les souvenirs de leur terre natale. Pour d’autres, c’est une occasion de découvrir des contrées et des cultures qui autrement demeureraient nimbées de mystère. Pour tous, il s’agissait d’une façon de conclure en beauté le Mois de l’histoire des Noirs.
Le thème du Festiv’Ébène 2015 s’articulait autour d’un instrument de musique dont Nafée Nelly Faïgou, qui assurait la direction artistique du festival avec Nadine Fagegaltier, a expliqué l’importance socioculturelle aux spectateurs. « Les artistes choisis cette année célèbrent le tambour et la parole qui l’accompagne, annonce-t-elle. Le tambour dont le langage étonne par sa variété et qui assujettit la vie quotidienne et spirituelle à sa puissance émotionnelle dont il est difficile, pour ne pas dire impossible, de se soustraire. » Cet instrument, sous des formes très variées, se retrouve sur tous les continents et accompagne le cours de la vie des individus et des sociétés, autant dans le malheur que dans le bonheur.
La soirée s’est ainsi ouverte avec une prière amérindienne et une famille Ojibwée a interprété quelques chants traditionnels en s’accompagnant d’un tambour. Ce pont entre l’Amérique et l’Afrique devait conduire le public au Burkina Faso. En effet, le premier artiste Noir de la soirée n’était autre qu’Amadou Kienou. Ce percussionniste et chanteur compte plus de 30 ans d’expérience et est un des grands noms de la musique traditionnelle en Afrique francophone. C’est d’abord avec un curieux mais très mélodieux instrument, davantage harpe que guitare, que Kienou s’est accompagné. Puis, lorsqu’il s’est saisi d’un djembe, tambour très utilisé en musique africaine, d’autres musiciens se sont joints à lui sur scène et des membres du public ont dansé sur quelques chansons.
Amadou Kieno n’était que le premier d’une série de noms connus du public. Djennie Laguerre, comédienne au théâtre et à la télévision, devait apporter l’indispensable touche haïtienne du festival avec quelques contes satiriques. Faisant à nouveau un bond de milliers de kilomètres, le public fut ensuite transporté à Madagascar grâce à Tsingory Dance. La prestation de cet ensemble de danseuses et de musiciens, très dynamique et diversifiée, fut dédiée à Olivier Le Jeune, premier esclave au Canada qui était originaire de cette île. Puis, ce fut au tour de Cheka Katenen Dioubate, talentueuse chanteuse originaire de Guinée, de prendre la relève en compagnie d’un intéressant groupe de musiciens. Spectacle rare, deux d’entre eux jouaient de ces pittoresques xylophones africains dont la sonorité est toujours une agréable surprise. C’est la francophonie dans son américanité qui fut ensuite à l’honneur avec le rappeur ZPN. Né en République démocratique du Congo et aujourd’hui fermement ancré en Ontario, celui-ci a ouvert une parenthèse résolument contemporaine dans cette soirée autrement très tournée vers la tradition.
Finalement, le public a fait un retour dans les Antilles grâce à Michael St. Georges, seul artiste anglophone de l’évènement. Ambassadeur de la Jamaïque dans ce que ce pays a de plus coloré et déjanté, ce poète sans prétention a déclamé ses vers sous forme de slam accompagnés d’une musique reggae.
Toutes les raisons étant bonnes pour y participer, Sofifran a depuis longtemps fait du Festiv’Ébène un évènement rassembleur et une date importante au calendrier des activités communautaires de la région. Des gens d’horizons très divers se joignent aux Noirs de partout pour apprécier leur savoir-faire artistique. Occasion de célébrer et de faire connaître la civilisation de l’Afrique noire et aussi, sous un angle plus ludique, de passer du bon temps grâce aux arts et à la cuisine de ce continent, Festiv’Ébène ouvre chaque année, depuis 2008, une fenêtre sur la culture des Afro-Canadiens du Niagara.
Photo: Cheka Katenen Dioubate et ses musiciens