C’est tout un changement de paradigme qui est proposé, le mardi 4 août, aux médecins qui prennent en charge un patient souffrant d’obésité.
Cessez de vous concentrer uniquement sur la perte de poids, leur demandent de nouvelles lignes directrices publiées par le Journal de l’Association médicale canadienne, et attaquez-vous à des paramètres de santé comme le diabète, les taux de lipides sanguins et l’hypertension.
« En suivant ces cibles-là, plutôt que simplement le poids corporel, si ces paramètres-là s’améliorent, le travail est fait, indépendamment du poids corporel », a résumé en entrevue le docteur André Tchernof, qui est membre du conseil d’administration d’Obésité Canada.
Développées par Obésité Canada et l’Association canadienne des médecins et des chirurgiens bariatriques, les Lignes directrices canadiennes de pratique clinique pour l’obésité chez l’adulte remplacent celles qui étaient en vigueur depuis 2006.
Ce sont quelque 500 000 articles scientifiques qui ont été épluchés par des chercheurs et rassemblés en 19 chapitres.
Les nouvelles lignes directrices reconnaissent entre autres qu’une perte de poids durable peut être un objectif extrêmement difficile à atteindre.
« Certains professionnels de la santé vont aborder la question de cette façon, en disant qu’il faut mieux manger et bouger plus, a dit le docteur Tchernof. C’est un peu simpliste, parce que le corps va compenser.
« La personne (…) va réussir à court terme à perdre du poids, par contre le corps va s’adapter, il va y avoir des mécanismes compensateurs qui vont en quelque sorte défendre le poids corporel initial, et au bout de quelques années, le poids va remonter tranquillement pour rejoindre la valeur initiale, et peut-être même un peu plus. »
Ces mécanismes physiologiques sont tellement puissants, ajoute-t-il, qu’entre 75 % et 85 % de ceux qui perdent du poids l’auront repris au bout de trois ou quatre ans, et « à ce moment-là, on n’est pas plus avancés ».
« On sait que le tour de taille et l’obésité abdominale sont associés de façon plus étroite à ces problèmes de santé là, et donc si une personne entreprend des changements au niveau nutritionnel, au niveau de l’activité physique, et que son tour de taille diminue, ses paramètres de santé vont s’améliorer de façon substantielle, même en l’absence d’une perte de poids importante », a expliqué le docteur Tchernof.
Les nouvelles lignes directrices demandent aussi que l’obésité soit reconnue comme une maladie chronique, au même titre que le diabète et l’hypertension, ce qui permettrait une meilleure prise en charge par le système de santé, notamment en ce qui concerne l’accès à certains services.
« À Québec seulement on parle de 2000 personnes qui attendent pour une chirurgie bariatrique », a déploré le docteur Tchernof, ce qui représente une année ou deux d’attente.
Les lignes directrices abordent enfin des enjeux clés, par exemple, la stigmatisation à l’égard du poids et les implications pour les communautés autochtones.
SOURCE – Jean-Benoit Legault, La Presse canadienne