Le club de lecture du Centre francophone Hamilton se réunit le premier jeudi du mois et chaque rencontre est l’occasion, pour ses membres, d’échanger sur un roman. Mais il y avait changement au programme en ce 1er novembre car ce n’est non pas seulement une oeuvre qui était ce soir-là mise en vedette mais l’auteur lui-même. En effet, Gabriel Osson avait été invité par l’organisme pour parler de son roman Hubert le restavèk et de la problématique sociale qui l’a inspiré.
C’est la directrice générale du centre, Lisa Breton, qui a présenté l’auteur à l’assistance même si, en somme, il n’avait pas tellement besoin de présentation puisque cela fait une vingtaine d’années que M. Osson fait partie du paysage artistique franco-ontarien. Les membres du club de lecture ont néanmoins appris, à titre anecdotique, que Mme Breton et l’invité du jour entretiennent des liens d’amitié depuis longtemps.
D’abord connu pour ses recueils de poésie et, plus récemment, pour un récit de voyage retraçant son périple sur le chemin de Compostelle, M. Osson a ajouté une corde à son arc avec la publication, en 2017, d’un premier roman intitulé Hubert le restavèk. L’oeuvre met en scène un jeune garçon haïtien, Hubert, que les parents, acculés à la pauvreté, confient à une tante de Port-au-Prince. Celle-ci, à son tour, fera placer Hubert au sein d’une famille d’étrangers, l’obligeant à « rester avec » eux (d’où l’expression) et, surtout, à travailler pour eux. Après avoir subi maints abus de leur part, l’adolescent s’enfuit et se retrouve à la rue, devenant membre d’un gang et entreprenant un cheminement semé d’embûches pour tenter de se sortir de la misère.
Fiction? En partie seulement, car les restavèks – nom créole donné à ces esclaves modernes – existent en grand nombre en Haïti. On en compe environ un demi million dont 80 % sont des filles. Ces enfants n’ont parfois que 4 ou 5 ans lorsque leurs parents les confient à quelqu’un d’autre par nécessité. Certains restavèks, bien que travaillant comme domestiques, sont bien traités par leur nouvelle famille et ont la chance d’aller à l’école. C’est le sort qu’espèrent les pauvres pour leurs enfants mais la réalité est tout autre pour la majorité, traités comme des moins que rien. Des lois existent contre de telles pratiques mais il va sans dire qu’elles ne sont pas appliquées.
Comme Gabriel Osson, lui-même d’origine haïtienne, l’a expliqué à l’assistance, c’est un reportage télévisé sur ce sujet qui l’avait bouleversé et l’a aiguillé vers la rédaction de ce roman. De plus, l’occasion lui avait été donnée de rencontrer un ancien restavèk qui lui a inspiré le personnage d’Hubert. Les profits issus de la vente de ce roman contribuent à venir en aide à ces enfants déshérités par le biais de deux organismes sans but lucratif, Respire Haïti et la fondation Maurice A. Sixto.
Après avoir expliqué le processus de création et de rédaction ayant engendré Hubert le restavèk et évoqué les attentes des éditeurs, M. Osson a dialogué avec le public. Celui-ci était très intéressé à mieux comprendre cette dure réalité en Haïti. Certains ont fait remarquer que ce problème, sous une forme ou une autre, a toujours existé et existe encore ça et là dans le monde et pas seulement dans ce petit pays des Antilles. D’autres se sont interrogés sur la perception de la population haïtienne quant à ce phénomène et sur les attentes des parents qui se résignent à avoir recours à pareil système.
Gabriel Osson a fait remarquer que l’existence des restavèks demeure passablement taboue en Haïti et que les adultes y ont tendance à dédramatiser leur situation. De plus, les parents s’imaginent, ou espèrent, qu’ils permettront à leurs enfants d’avoir malgré tout une vie meilleure mais demeurent souvent dans l’ignorance de ce qui se passe réellement. Il faut dire que dans bon nombre de cas, les restavèks sont à ce point jeunes lorsqu’ils sont séparés de leurs parents qu’ils ne connaissent pas leur ville d’origine ni même leur nom de famille, de sorte que 90 % d’entre eux, pour ces raisons ou d’autres, ne parviennent jamais à retourner auprès des leurs.
Les membres de l’assistance ont également exprimé avoir aimé le roman qu’ils ont trouvé informatif. « Je voulais passer le message qu’avec l’éducation, c’est possible de sortir ces enfants de la misère », a commenté Gabriel Osson. L’alphabétisation est sans conteste un premier pas vers une vie normale et les passionnés de littérature, par l’acquisition de ce roman, peuvent donner un coup de pouce à des organismes qui collaborent à l’atteinte de cet objectif.
PHOTO : Les membres du club de lecture de l’organisme ont eu l’occasion de s’entretenir avec l’auteur sur son roman Hubert le restavèk.