Eden Mills, un hameau à l’est de Guelph, est une communauté rurale aussi minuscule que charmante qui peut se targuer d’être l’hôte d’un évènement accueillant chaque année de grands noms de la littérature. Son Festival des écrivains en était cette année à sa 25e édition et, du 13 au 15 septembre, une cinquantaine d’auteurs ont rencontré leur lectorat pour participer à des ateliers, lectures publiques et conférences. Parmi eux, deux écrivains du Québec mais dont la renommée a depuis longtemps dépassé les frontières de leur province d’origine : Dany Laferrière et Marie-Claire Blais.
L’un et l’autre participaient à une séance de lecture devant un auditoire à l’occasion de la « French Connection », une activité consacrée à la littérature francophone ou en lien avec la francophonie. Ainsi, Ania Szado, une auteure de langue anglaise, participa également à l’évènement pour présenter son roman Studio Saint-Ex, dont le personnage principal n’est nul autre qu’Antoine de Saint-Exupéry. Dawn Cornelio, professeur de français et de littérature à l’Université de Guelph, animait l’activité alors que la lecture des versions anglaises des ouvrages de M. Laferrière et de Mme Blais était assurée par Michelle Leblanc, une traductrice et artiste-peintre de Guelph. Tenue dans la chapelle protestante du village, cette rencontre intimiste et bilingue avec le public rassembla un grand nombre de francophones de la région.
Marie-Claire Blais fit la lecture d’un extrait de Mai au bal des prédateurs, un roman publié en 2010 dont l’approche littéraire très particulière a retenu autant l’attention que les thématiques qu’il aborde. Le récit y est développé en continu, presque sans points et sans chapitre, et constitue une véritable cataracte de pensées, d’images, d’émotions, de sensations et d’actions, enveloppées d’une atmosphère quelque peu surréaliste. La trame du roman s’articule autour de l’univers troublé d’une adolescente croisant celui faussement clinquant et déjanté des travestis. Étrange lecture à faire dans une église, comme Mme Blais en rira avec un membre du public en quittant les lieux.
Dany Laferrière a quant à lui lu des passages de Tout bouge autour de moi, un ouvrage rédigé en 2010 et qui relate, sous forme d’une chronique, des anecdotes qu’il a vécues ou dont il a été témoin à la suite du terrible séisme ayant dévasté Port-au-Prince. M Laferrière se trouvait dans la capitale haïtienne en janvier 2010 et n’échappa que de justesse à la tragédie qui emporta 230 000 vies. C’est dans les minutes qui ont suivi la première secousse qu’il commença à prendre note de ce qui se passait, alors que l’impuissance et la confusion régnait partout. L’ouvrage fourmille d’observations livrées dans un style nerveux qui restitue bien l’excitation angoissée ayant vécu les Haïtiens pendant les heures et les jours suivant le tremblement de terre.
La section francophone du Festival des écrivains d’Eden Mills se tenait le dimanche en fin d’après-midi, à la toute fin de la programmation. Après la lecture publique, pour faire autographier leurs livres, des passionnés se sont pressés autour de la table où étaient assis Dany Laferrière, Marie-Claire Blais et quelques autres romanciers. Ça et là, les exposants démontaient les tentes et rangeaient leurs marchandises. L’édition 2013 du festival se terminait mais nul doute que ses visiteurs en sont repartis avec de nombreuses idées de lecture et l’envie d’y revenir l’an prochain.
Photo : Dany Laferrière et Marie-Claire Blais