Des chorégraphies toujours plus inventives, des acrobaties toujours plus périlleuses et des effets technologiques toujours plus spectaculaires de réalisme… Habitué à cette surenchère, on pensait tout connaître des arts du cirque. Pourtant, jamais la glace n’avait réellement été utilisée et, plus encore, mise au centre d’un spectacle comme le fait le Cirque du Soleil.

Au FirstOntario Centre de Hamilton, jusqu’au dimanche 24 juin, la compagnie québécoise fusionne dans sa 42e production les disciplines de l’air et de la glisse pour offrir un show inédit autour de Crystal, une jeune femme qui s’affranchit des codes et du quotidien pour trouver sa voix, , entre ombre et lumière, rêve et réalité.

Une quarantaine d’artistes défilent sous les yeux des spectateurs. Photo : Cirque du soleil

Sur la glace, dans une atmosphère tantôt douce, tantôt électrique, une quarantaine d’artistes défilent sous les yeux des spectateurs jusqu’au moment clé où l’héroïne tombe amoureuse. La scène voit la patineuse artistique prendre son envol portée à bout de bras par un voltigeur sur sangles. Aérienne, poétique, profonde, la scène servie par une musique au diapason et un décor efficace transporte le public dans un autre monde.

Dans la peau de l’amant, le Lyonnais Jérome Sordillon parle en coulisse d’une aventure un peu folle, celle du mélange au début incertain de deux disciplines a priori inconciliables. « Cela nous a demandé trois mois d’entraînements intensifs, jusqu’à 13h par jour pour trouver les bonnes combinaisons, indique l’acrobate qui a fait des sangles aériennes sa spécialité. Dans mon numéro particulièrement, on a littéralement fusionné le patinage et l’acrobatie. J’évolue avec ma partenaire sur la glace et elle avec moi dans les airs. »

L’acrobate sur sangles aériennes Jérôme Sordillon

Pour la trapéziste Danica Gagnon Plamondon, une des sept artistes qui joue le rôle de Crystal, la difficulté a été d’acquérir un niveau suffisant en patinage mais aussi de réaliser des figures en l’air avec des patins aux pieds. « Je patinais occasionnellement en famille l’hiver, glisse la native de Saint-Hubert (Québec), elle aussi issue de l’École nationale du cirque de Montréal. J’ai dû me perfectionner et surtout m’accoutumer à faire du trapèze avec des patins. Le poids change le tempo dans les airs. C’est un peu comme réapprendre des mouvements que j’avais déjà dans le corps. »

Réunir des acrobates comme Jérôme et Danica avec des patineurs chevronnés  a été le grand défi du Cirque du Soleil qui s’est attaché en coulisses les services de Kurt Browning, le quadruple champion du monde de patinage.

La trapéziste Danica Gagnon Plamondon a dû apprivoiser la glace

« Il a fallu reconsidérer notre approche pour que la magie du cirque opère sur la glace. On a créé une équipe de concepteurs son, ingénieurs lumières, designers de costumes et de décor, coaches acrobatiques et patineurs qui,  dès septembre 2016, ont exploré de ce qui était du domaine du possible, raconte Julie Desmarais, porte-parole du Cirque du Soleil. Beaucoup d’idées ont été étalées sur la table de création et on a essayé de leur donner vie. Certains de nos acrobates n’avaient jamais patiné auparavant. On a aussi développé des chaussures qui adhèrent à la glace sans l’endommager et on s’est servi de la patinoire comme d’un gigantesque écran qui se prolonge sur le décor, un château de glace.

La fusion des airs et de la glace fait voyager le spectateur dans différents univers sans quitter son siège. Photo : Cirque du soleil

Résultat : le spectateur voyage d’univers en univers sans quitter son siège. Apprivoisée, sous le feu d’une trentaine de projecteurs, la glace apporte rapidité et fluidité aux différentes combinaisons et le spectateur, absorbé par la force narrative et diverti par les costumes, ne sait plus vraiment qui vole ni qui patine. Qu’importe. Entouré d’équilibristes, de clowns, de jongles et de patineurs, de balançoire en pirouettes, Crystal s’évade, éprise de liberté. Et le public aussi. Autour d’un histoire qui appartient à tout le monde, le Cirque du Soleil, qui s’aventure pour la première fois sur la glace, construit un rêve qui devient réalité.

Les performances sont d’autant plus hallucinantes que plusieurs scènes sont sans filets. « Le filet de secours c’est nous, rassure Jérôme Sardillon. Si quelqu’un tombe, on est dessous. Ça marche à la confiance. On a appris à travailler ensemble. Selon lui, ce recours novateur à la glace ouvre de multiples portes qui vont très certainement révolutionner, une fois encore, le monde du cirque dans les années à venir.

Jonglerie, clownerie, acrobatie et patinage extrême se succèdent dans un show sonore et visuel hallucinant. Photo : Cirque du soleil

 

Photo (couverture) : la rencontre amoureuse, un des moments clés du spectacle ou l’acrobate emporte la patineuse dans les airs. Photo : Cirque du soleil.