TORONTO – Alors que des dizaines d’employeurs canadiens font des mises à pied partout au pays en raison de l’épidémie du nouveau coronavirus, Cherif Habib fait exactement le contraire.

Son entreprise de services de télésanté, établie à Montréal, doit ajouter 250 employés à sa main-d’œuvre, notamment des infirmières cliniciennes et des médecins praticiens, des travailleurs sociaux et des psychologues pour s’ajuster à une « forte » augmentation de la demande.

« Nous avions 700 entreprises qui travaillaient avec nous avant la crise et nous en sommes maintenant à près de 800 », a souligné le cofondateur et chef de la direction de Dialogue.

« Très tôt dans la crise, il était clair pour nous que nous allions jouer un important rôle, nous avons donc vraiment accéléré nos efforts de recrutement et nos efforts de croissance. »

Dialogue fait partie d’un groupe croissant d’entreprises soumises à la pression, alors que les Canadiens réclament des produits et des aliments à livrer chez eux, vident les rayons des supermarchés, recherchent de plus en plus de soins de santé et bombardent les serveurs et les réseaux pour le télétravail.

La fermeture de nombreux détaillants, espaces publics et services, alors que le pays s’auto-isole pour un avenir prévisible, exerce une telle pression sur les entreprises toujours en activité que plusieurs disent qu’elles doivent embaucher pour répondre à la demande.

Les travailleurs de la santé, les infirmières et les médecins sont tirés hors de leur retraite pour faire face à l’augmentation du nombre de patients.

Le premier ministre du Québec, François Legault, a indiqué mardi que 10 000 personnes avaient envoyé leur curriculum vitae pour aider le secteur des soins de santé, tandis que plus de 3000 infirmières ontariennes se sont manifestées lundi après-midi, après que l’Association des infirmières et infirmiers autorisés de l’Ontario a demandé de l’aide pour répondre aux lignes téléphoniques de télésanté.

Entre-temps, les supermarchés des Compagnies Loblaw, notamment l’enseigne Provigo au Québec, et leurs pharmacies Shoppers Drug Mart – Pharmaprix au Québec – ont affiché cette semaine une multitude de postes vacants à travers le pays, alors qu’ils se démènent pour approvisionner leurs magasins de façon à répondre à la demande. Les entreprises recherchent des pharmaciens, des assistants en pharmacie, des commis d’épicerie, des travailleurs d’entrepôt et des marchandiseurs.

« Pour que tout se passe bien, nous avons besoin d’une équipe complète dans les magasins et les centres de distribution. Nous devons également être en mesure de donner une pause à notre équipe actuelle », a expliqué dans un courriel Mark Wilson, responsable des ressources humaines chez Loblaw et Shoppers.

« Nous avons contacté l’industrie du commerce de détail et de nombreux grands employeurs qui ont été touchés pendant cette période. Nous ne savons pas de quelle aide nous aurons besoin, ni où, mais s’il y a des gens qui cherchent à être employés et payés en ce moment, nous pouvons peut-être nous entraider. »

Henry Goldbeck, président de Goldbeck Recruiting, une société de Vancouver, a indiqué que les entreprises embauchaient dans les secteurs des soins de santé, de la livraison, de la fabrication médicale, des finances, des télécommunications, de la chaîne d’approvisionnement et de la technologie du télétravail, même si l’épidémie contaminait plus de Canadiens et forçait la fermeture d’un nombre croissant de lieux de travail.

« Certaines entreprises vont même ajuster leur travail et ce qu’elles font parce qu’il y aura plus de fonds disponibles pour travailler dans des domaines comme les télécommunications », a-t-il indiqué.

Les entreprises alimentaires, a-t-il précisé, peuvent mieux choisir leurs employés en raison du grand nombre de restaurants qui ont fermé, ce qui rend disponible un plus grand nombre de personnes dans l’industrie. Mais les travailleurs hautement qualifiés ou en demande seront plus difficiles à trouver.

Les personnes qui ont conservé leur emploi malgré la crise seront également plus difficiles à attirer, car elles se méfieront de l’incertitude associée à un nouvel emploi, a-t-il précisé.

M. Goldbeck a cependant remarqué que de nombreuses autres sociétés avaient choisi de retarder les recrutements.

« Nous avons un client qui fabrique un ingrédient haut de gamme pour les cosmétiques et il l’expédie aux fabricants de cosmétiques du monde entier (…) et il vient de mettre un poste en attente pour quelques mois », a-t-il raconté.

M. Goldbeck a ajouté qu’un autre client établi à Montréal, qui fabrique des rubans, est extrêmement occupé en raison de la demande accrue de produits liés à l’expédition.

« Mais ils ont mis un poste (de vendeur) en attente au Texas parce que la personne ne peut pas sortir sur la route et rencontrer des gens. »

Mais plusieurs employeurs comme Peter Sanagan, le propriétaire du boucher torontois Sanagan’s Meat Locker, ne peuvent pas se priver de renforts.

Lorsque le coronavirus a commencé à se propager à travers le Canada, M. Sanagan a été franc avec ses employés. Il leur a dit que s’ils n’étaient pas à l’aise de venir travailler, ils ne devraient pas ressentir la pression car ils ont accumulé une banque de vacances et de congés de maladie, dans lesquels ils peuvent puiser. Il leur a promis de garder leur emploi. Cinq ont accepté son offre.

Mais ses magasins recevaient toujours des gens à la recherche de viande pour remplir leurs congélateurs et nourrir leurs familles, alors il a augmenté les quarts de travail de certains élèves dont les cours avaient été annulés et a également embauché des travailleurs temporaires.

La plupart de ses nouveaux employés font du travail dans les aires où sont reçus les clients, ou sont caissiers.

Il a ajouté un service de nettoyage pour tout désinfecter et a ajouté quelqu’un pour travailler à l’entrée afin de s’assurer que le nombre correct de personnes soit admis dans le magasin, a précisé M. Sanagan.

« Il y a ces nouveaux types de rôles qui sont faciles à remplir sans formation. »

Ces nouveaux travailleurs savent que les emplois ne dureront pas éternellement, mais plusieurs d’entre eux ont besoin d’un revenu ou veulent simplement aider en cette période difficile.

« C’est juste un moyen de nous garder ouverts et de rester sécuritaire, mais tout en permettant de cocher toutes les cases, le personnel à temps plein a le sentiment qu’il peut prendre ses temps libres, et nous pouvons offrir des quarts de travail aux personnes qui ont besoin d’argent en ce moment et faire ce que nous pouvons. »

SOURCE : Tara Deschamps, La Presse canadienne