Confrontés aux gels d’embauche, aux réductions de salaire et aux mises à pied, un certain nombre de Canadiens ont choisi de réorienter leur carrière de façon spectaculaire. D’autres les ont imités après avoir réalisé que leur emploi actuel n’offrait pas la stabilité et la flexibilité dont ils ont besoin pour élever des enfants.
Selon un sondage mené en novembre en ligne auprès de 3000 Canadiens par la firme Morneau Shepell, 24 % des répondants affirmaient que la pandémie de COVID-19 les avait amenés à envisager un changement d’emploi ou de carrière.
André Mazerolle n’a pas eu le choix. Après 25 ans de carrière, ce spécialiste du marketing a été licencié par sa firme. Le résident d’Oshawa s’est alors consacré à son passe-temps, la moto, tout en essayant de trouver la prochaine étape de sa vie professionnelle.
Une conversation fortuite avec une amie lui a fait comprendre qu’il pouvait faire les deux. « Elle m’a dit qu’elle travaillait dans un concessionnaire de motos où elle vendait des pièces et des accessoires. Une semaine plus tard, j’ai été engagé chez le concessionnaire où je fais quelque chose qui me passionne. »
Une conseillère en orientation professionnelle, MaKenzie Chilton, dit avoir été contactée par des gens venant du monde entier depuis le début de la pandémie. En raison du ralentissement économique, de plus en plus de personnes sont prêtes à envisager des mesures plus importantes sur le plan de l’emploi.
« En mars, tout le monde était inquiet pour son travail parce que personne ne savait ce qui se passait. Puis, en juin, c’était un déferlement de personnes voulant provoquer le changement », raconte-t-elle.
Cette situation se reflète aussi dans des établissements d’enseignement. La Chang School of Continuing Education de l’Université Ryerson, par exemple, dit que les inscriptions aux cours de la session printemps-été de 2020 avaient augmenté de 15 % par rapport à 2019. Les programmes de certificat en gestion des catastrophes et d’urgence, les études avancées sur la sécurité et la santé étaient particulièrement populaires.
Jennifer Hargreaves, la fondatrice et chef de la direction de Tellent, une firme qui aide les professionnelles à trouver des emplois flexibles, n’est pas surprise par ce phénomène.
Selon elle, la COVID-19 a déclenché une « grande pause » pour les Canadiens qui jonglaient entre le travail, leur agenda social et les enfants. La pandémie les a poussés à ralentir ou à s’arrêter. De nombreuses femmes ont même décidé de faire de leur carrière une deuxième priorité en raison de la fermeture de leur garderie ou parce que leurs enfants sont passés à l’école virtuelle.
« C’est nul! Ça nous oblige à réévaluer où nous sommes et ce que nous voulons. Mais c’est aussi une lueur d’espoir et une petite bénédiction pour certaines personnes », souligne Mme Hargreaves.
La mauvaise situation économique a frappé en mars Kristin Hoogendoorn, de Milton.
Mme Hoogendoorn dirigeait l’agence de voyages qu’elle avait fondée il y a quatre années. C’était sa passion.
Au début de la pandémie, elle a dû annuler plus de 100 vols pour ses clients. Elle a commencé à s’inquiéter pour son conjoint à l’emploi d’une compagnie aérienne.
Mme Hoogendoorn n’avait pas cherché d’emploi depuis plusieurs années. Sa confiance en elle vacillait, mais elle savait qu’elle devait faire quelque chose.
« Je me suis dit que je ne pouvais pas vivre sans revenu, dit-elle. Je ne savais simplement pas comment nous allons nous en sortir. »
Des rencontres avec des conseillers d’orientation lui ont remonté le moral et permis de planifier son avenir. Elle cherche maintenant un emploi à temps partiel, idéalement dans le domaine des ventes ou de la technologie qui est relativement à l’abri d’une pandémie. Elle s’accrochera à son entreprise de voyage, mais la placera en veilleuse jusqu’à ce que la COVID-19 disparaisse.
« Si je l’abandonnais complètement, je rendrais un mauvais service à [mes clients] après tout ce que nous avons vécu ensemble, soutient Mme Hoogendoorn. C’est trop difficile. »
M. Mazerolle est actuellement à l’emploi de Mackie Harley-Davidson. S’il a pu rapidement réorienter son parcours professionnel, il a convenu qu’il s’agissait d’un émotionnel.
« Quand j’ai été licencié, c’était comme si j’avais perdu ce merveilleux cordon ombilical qui m’attachait à tous les membres de mon organisation, et maintenant eux aussi sont partis », dit-il
Si son nouvel emploi lui a permis de laisser certaines de ses difficultés derrière lui, M. Mazerolle, tout passionné de moto qu’il soit, a dû apprendre son métier.
Aujourd’hui, il continue d’en apprendre plus sur les pièces et les accessoires. Il s’enthousiasme pour les dernières innovations et adore parler aux clients qui aiment la moto autant que lui.
« C’est un peu comme un rêve qui se réalise. Ne voulons-nous pas que nos rêves se réalisent? »
SOURCE – Tara Deschamps, La Presse canadienne