Le 27 février dernier se tenait, à l’Académie catholique Mère-Teresa, un évènement destiné à conclure avec entrain le Mois de l’histoire des Noirs. « Sous le baobab africain », une soirée rassemblant la communauté pour un bon repas et un spectacle, fut l’occasion de fraterniser et de s’amuser.
C’est surtout autour de la performance de trois musiciens que s’est articulé la soirée. Amara Kante, un maître du djembe aux racines ivoiriennes et guinéennes, était le leader du trio. Kwanza Msingwana, originaire d’Afrique du Sud, ayant passé une partie de sa vie en Tanzanie mais résidant depuis une trentaine d’années en Ontario, l’accompagnait au même instrument. Toujours au djembe, Kevin Howl, né en Nouvelle-Écosse, ne pouvait certes pas se revendiquer d’être un authentique griot, l’équivalent d’un barde en Afrique de l’Ouest, dépositaire des traditions artistiques. Mais c’est sans fausse note que son talent s’est fondu dans celui des autres lors de ce concert aux accents exotiques et mystérieux pour ceux qui n’y sont pas habitués.
À quoi sert le tambour en Occident? À entendre un coup par ci, un coup par là dans le tumulte musical d’un orchestre symphonique, ou encore à battre le rythme de la frénésie collective d’un groupe rock. Guère plus. Bref, pour les civilisations européennes et leur postérité d’outre-mer, le tambour n’a jamais réellement été la voix par excellence de la vie sociale ni la meilleure expression de leur musicalité. En Afrique noire cependant, c’est une toute autre histoire. À ce propos, Amara Kante a ponctué le concert d’explications quant à l’usage traditionnel du tambour, notamment en Guinée, au Mali et au Niger. Habile homme de spectacle, ses interactions pleines d’humour avec le public ont transformé la soirée en une fête détendue où un peu tout le monde pouvait participer à sa façon.
Le djembe, sorte de gros tambour, est un instrument surprenant. Différentes sonorités peuvent être obtenues dépendamment de l’endroit où l’on frappe. Le son peut être doux ou très fort. De véritables mélodies peuvent naître du djembe, pour peu que l’on ait affaire à des gens qui en maîtrisent les possibilités, comme c’était le cas de ces trois musiciens talentueux. Amara Kante a interprété quelques chants dont il a expliqué l’origine et la signification. Les morceaux choisis ont manifestement rappelé des souvenirs à certains spectateurs, dont quelques-uns ont esquissé des pas de danse de circonstance.
Dans un registre plus contemporain, un jeune chanteur d’Ottawa, Abel Maxwell, a interprété deux chansons pour conclure le spectacle. Venu à l’invitation de Justine Gogoua, organisatrice de l’évènement, Abel Maxwell a livré une performance empreinte de fraîcheur et de spontanéité qui a séduit le public.
Pour Mme Gogoua, directrice du Théâtre CanAfrique, le Mois de l’histoire des Noirs devrait se réactualiser en mettant l’accent sur le patrimoine africain dans son ensemble plutôt que sur les Noirs en particulier. La soirée « Sous le baobab africain » se tient dans plusieurs écoles et l’arbre auquel le nom réfère est un symbole de ce à quoi vise l’évènement. En Afrique, le baobab est en effet là où la communauté se retrouve et cet arbre imposant est synonyme de rassemblement et de solidité. Bien entendu, il est indispensable de commémorer les victimes de l’esclavage et de l’exploitation mais cela ne doit pas devenir un prétexte au ressentiment et doit se fondre dans une perspective plus large du passé. « L’histoire doit se transmettre selon le temps et la génération », estime Justine Gogoua.
Pour rassembler tout le monde, panser les plaies du passé et accueillir l’avenir avec confiance, quoi de mieux que la musique et toutes les expressions artistiques? Comme l’a dit Amara Kante à la fin du concert : « L’art n’a pas de frontière et la culture n’a pas de politique. » Sages paroles qui auraient pu conclure tous les spectacles du Mois de l’histoire des Noirs.