Marie-France Lalonde n’est certes plus ministre aux Affaires francophones mais, faisant partie des rares libéraux à avoir été réélus lors des dernières élections, elle demeure engagée dans ce domaine en étant critique pour son parti en ce qui regarde les questions touchant à la langue française. Désarçonné par une défaite cinglante, le parti libéral cherche à se repositionner et à se refaire une place sur l’échiquier politique tout en continuant à militer pour des thèmes qui ont fait sa marque de commerce. La francophonie est un de ceux-là et, pour continuer à s’en faire les défenseurs crédibles tout en gardant contact avec l’électorat francophone, Benoit Mercier, ancien candidat libéral dans Niagara-Centre, a invité Mme Lalonde à une table ronde où les organismes ont partagé leurs préoccupations.
C’est au Foyer Richelieu de Welland que cette rencontre a eu lieu, Marie-France Lalonde agissant en quelque sorte comme animatrice pour faciliter les échanges et prendre note des commentaires. L’objectif de cet exercice de réflexion collective se voulait constructif : « Comment travailler dans le contexte actuel, sans trop le critiquer, pour amener des changements positifs », a résumé l’ancienne ministre.
Les participants, qui représentaient un éventail diversifié de champs d’action (santé, immigration, employabilité, etc.), ont évoqué divers défis et solutions. Au chapitre de ce qui est propre à la région du Niagara, les représentants d’organisme en ont souligné les bons côtés : présence de services francophones nombreux et de qualité, forte rétention des élèves dans le système scolaire de langue française, bonne relation avec la Ville de Welland, participation élevée à la table de concertation francophone, etc.
Des problèmes ont aussi été relevés : les jeunes francophones déménagent pour trouver un emploi, le taux d’assimilation demeure élevé, les immigrants sont encore peu nombreux à s’établir dans la région, les règles contraignantes de placement forcent les jeunes à tenter leur chance ailleurs, l’adéquation entre la formation et le marché de l’emploi est parfois déficiente, absence d’un organe d’expression représentant les francophones du Niagara, etc.
Il eut été impossible d’organiser une table ronde sur les besoins de la francophonie ontarienne sans que la question du gouvernement actuel ne remonte à la surface. Marie-France Lalonde a demandé aux uns et aux autres comment assurer le maintien des acquis dans un contexte de compressions budgétaires. « Peut-être que la seule avenue possible est de montrer que l’on a une valeur ajoutée économique », a suggéré Normand Savoie, directeur général de l’ABC Communautaire, qui estime qu’un des problèmes avec les conservateurs est qu’ils vont trop vite dans la mise en oeuvre de leurs réformes.
Marcel Castonguay, directeur général du Centre de santé communautaire, a renchéri en évoquant la possible disparition des Réseaux locaux d’intégration des services de santé (RLISS) : « Ça me fait peur que l’on va peut-être abolir ces services et que, dans la région, on va se ramasser avec une organisation quelconque qui va s’occuper de Windsor jusqu’au Niagara ». Plusieurs participants ont abordé des dossiers plutôt techniques relatifs à leur domaine et, bien que tous aient des idées sur ce qui devrait être fait, il ressortait de leurs interventions une certaine impuissance face à l’arbitraire du gouvernement.
Mme Lalonde a demandé aux participants si, dans les circonstances actuelles, les francophones devraient prendre des initiatives ou attendre pour voir la suite des choses et y réagir. « Si la population francophone est silencieuse et ne revendique pas qui elle est et ses succès, elle va être écrasée », a prévenu Jean Chartrand, directeur d’école à la retraite, tout en reconnaissant qu’il y a eu, au cours des années, une évolution des mentalités du côté des anglophones. Qui plus est, il a été souligné à ce propos que l’excellence de certains services bilingues offerts par des organismes de langue française attire le respect des agences anglophones, ce qui contribue à faire connaître l’apport de la communauté francophone. Cependant, l’actualité des derniers mois a démontré que davantage d’efforts devraient être investis : « Jusqu’à présent, on est un peu à la traîne, on est en mode réactif. Il faut se mettre en mode anticipatif », estime Fété Kimpiobi, directrice générale de Sofifran.
Selon Marie-France Lalonde et les représentants d’organisme, s’il y a de l’incertitude au niveau des intentions du gouvernement en ce qui concerne les détails, le plan d’ensemble est néanmoins facile à deviner : il faut s’attendre à d’autres compressions. S’organiser, travailler ensemble et parler d’une seule voix sont les résolutions qui s’imposent et qui se sont dégagées au terme de cette table ronde. En conclusion de cette rencontre et pour maximiser l’utilité de son passage dans la Péninsule, Mme Lalonde a aussi consulté l’assistance sur un projet de loi qu’elle entend déposer et qui portera sur l’obligation de voter aux élections.
PHOTO : Marie-France Lalonde s’adresse aux participants