Éric Beaudry, André Brunet et Pierre-Luc Dupuis, les trois comparses de la formation De Temps Antan, étaient de passage au Théâtre Sean O’Sullivan de l’Université Brock le 20 mars dernier, journée internationale de la Francophonie. Bénéficiant d’une popularité toujours plus grande, le groupe musical se produit aux quatre coins du monde depuis quelques années déjà et rencontre partout le même succès.
En sol canadien, De Temps Antan sait rassembler deux publics qui trouvent en eux un écho de leur culture. Ainsi, à St. Catharines, c’est pour moitiés presqu’égales que les conversations avant le spectacle s’animaient en français et en anglais dans l’assistance. En effet, si pour les francophones le répertoire du groupe De Temps Antan est archétypique de la musique traditionnelle canadienne-française, bon nombre d’anglophones y discerneront de leur côté les indéniables influences irlandaises et écossaises.
Le spectacle était constitué de deux blocs musicaux de 45 minutes intercalés d’un entracte. Chaque membre du trio chante, parfois en solo mais le plus souvent avec les autres. André Brunet manie le violon avec énergie; Éric Beaudry, au bouzouki et à la guitare, sait ajouter une sonorité particulière aux arrangements des mélodies; finalement, Pierre-Luc Dupuis, avec son accordéon, son harmonica et sa guimbarde, vient parfaire une ambiance folklorique appréciée de tous. Les percussions de pieds occupent également une grande place dans leur musique, au point où chaque membre du trio dispose d’un petit carré de « plancher » portatif placé devant lui. Ils utilisent ce même morceau de bois dans tous leurs spectacles afin de conserver partout le même son, les scènes n’étant pas toujours faites du même matériel. Certaines pièces étaient chantées, d’autres instrumentales seulement.
De Temps Antan a offert une solide performance à St. Catharines. La prestation des membres du groupe n’a pas manqué de dynamisme et ce même s’ils s’étaient déjà dépensés en après-midi à l’occasion d’un spectacle devant un groupe de 300 enfants. Les spectateurs ont apprécié l’approche décontractée et sans prétention des trois musiciens dans leur intervention entre les chansons. La soirée fut émaillée d’une belle diversité de mélodies. Aux airs très rythmés et énergiques comme on peut s’y attendre du répertoire folklorique canadien-français succédaient parfois des morceaux plus tranquilles, telle la « Valse Saint-Sévère », pour laquelle André Brunet a invité des couples à monter sur scène pour danser, ou encore une composition originale, « La Fée des dents », une berceuse pour violon.
C’est par un reel contemporain que le spectacle s’est terminé, à la suite de quoi les membres de De Temps Antan ont rencontré le public pour échanger avec lui. Celui-ci a pu leur poser des questions sur l’historique du groupe, ses tournées, son répertoire, etc. Les spectateurs ont ainsi appris comment la musique dite « traditionnelle » évolue de manière très différente de ce qu’il en était il y a de cela deux générations. « Les musiciens ont la chance de voyager partout sur la planète et ça nous influence dans nos arrangements », explique ainsi Éric Beaudry. À ce propos, les membres du groupe diront qu’ils apprécient particulièrement la réponse du public espagnol et scandinave. Leurs pièces tirées du répertoire canadien-français n’ont pas été choisies à la légère : chacune représente un travail de plusieurs jours au cours desquels la mélodie est retravaillée. « C’est comme ça qu’est modelé le style de De Temps Antan », fait valoir André Brunet.
À l’origine, les trois comparses, qui se sont connus au sein du groupe La Bottine souriante, n’avaient imaginé les spectacles de leur trio que comme une occupation temporaire. Ce projet a cependant pris une ampleur qu’ils ne regrettent certainement pas. « La Bottine a joué moins ces dernières années et nous, on a joué davantage », commente Pierre-Luc Dupuis, qui décrit la formation avec humour comme étant à présent « du temps en temps à temps plein ». La musique néo-traditionnelle a donc un bel avenir devant elle.