Près de 40 000 Afro-Américains ont fui les États du Sud esclavagistes en empruntant le chemin de fer clandestin vers le Canada. Ni rails, ni gares ne peuvent attester de la réalité de cette voie. Et pour cause, elle n’a jamais existé que dans l’imaginaire des fugitifs et de leurs sauveurs abolitionnistes, surnommés les chefs de train. Mais aussi dans les témoignages et les travaux des historiens qui l’ont réhabilitée pour rendre possible des expositions telle celle du Musée de Welland.

Jusqu’au 29 mai, Vers la liberté, les secrets du chemin de fer clandestin invite le public à découvrir une sombre facette de l’histoire américaine : deux décennies d’esclavagisme qui ont poussé des milliers de victimes à fuir vers le nord et de courageuses personnes telles Harriet Tubman et Laura Haviland à les y aider, que ce soit en les logeant ou en les transportant. Le terminus de ce gigantesque réseau secret, né dans les années 1820 et performant jusque dans les années 1850, était la liberté. Ce qui la représentait le mieux alors était le Canada, dont le Niagara constituait une des principales portes d’entrée.

Pratiqué dès le début du XVIIe siècle, puis légalisé par le Royaume de France comme l’Empire britannique, l’esclavagisme était aussi la norme du côté canadien. Cependant, l’adoption des lois de 1793 restreignant l’esclavage et de 1807 interdisant son commerce a fait naître l’espoir chez les hommes et femmes asservis aux États-Unis, tout autant que la crainte parmi leurs bourreaux. Les lois américaines se sont en effet durcies, à l’image de l’adoption de la Loi sur les esclaves fugitifs statuant sur leur capture et leur retour à leur propriétaire.

Un fouet et un boulet figurent parmi les objets exposés.

Au fil de la visite, le public est amené à découvrir le cruel quotidien des esclaves par le biais de brefs textes et citations relatifs à leur enfance, leur nourriture, leur travail, leur logis et leurs châtiments. Vendus et achetés comme de quelconques marchandises, abattant un travail colossal dans les champ de coton ou comme domestiques, recevant une nourriture peu nutritive et dormant souvent à même le sol dans des cabanes de bois, leur sort dépendait du bon vouloir de leur maître, jusqu’à leur propre vie.

On en apprend aussi plus sur les risques que les fuyards prenaient. Le périple se faisait seul ou en petit groupe, le plus souvent de nuit. Tous les moyens étaient bons pour tenter sa chance. Une bande sonore surprenante explique notamment la fuite rocambolesque de Henri « Box » Brown qui s’est enfermé dans une grande boîte envoyée au Canada par la poste!

On regrettera toutefois quelques oublis dans la traduction en français et une faute d’orthographe dans le titre principal de l’exposition peu engageante à poursuivre plus en avant la visite. Peu nombreux, les artéfacts étayant les panneaux sont néanmoins percutants : un fouet, un boulet et des fers, entre autres objets, rappellent combien la privation de liberté a été inhumaine et combien sa conquête a été un combat de longue haleine. Une histoire de résistance et de courage aussi, qui constitue notre héritage culturel et démocratique commun.

Les panneaux thématiques bilingues

Photo  (couverture) : Au premier plan, une carte du réseau clandestin